Méritocratie scolaire : les enseignants n’y croient pas

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Une enquête* conduite par l’association Synlab est parue le 24 août. Elle avait pour objectif de connaître leurs croyances et pratiques professionnelles dans la lutte contre les inégalités scolaires.
Éléments de décryptage...
 
L’enquête révèle que :
  • seulement 3,5 % des enseignants considèrent que chaque élève a les mêmes chances de réussite à l’École,
  • 6,4 % d’entre eux estiment qu’il suffit de bien travailler pour réussir.
  • Seuls 8,3 % pensent que les élèves ont les notes qu’ils méritent.
  • La proposition : « les élèves qui obtiennent des bonnes notes sont ceux qui ont bien travaillé » obtient 11,4 % d’approbation des professionnels.
Le SE-Unsa observe que les professionnels portent un regard lucide sur les facteurs de réussite des élèves, qui sont multiples. La prise en compte de l’environnement de l’enfant est capitale pour appréhender sa capacité de s’inscrire dans les apprentissages.
Les enseignantes et enseignants ne croient donc pas à la méritocratie, qui est souvent le faux-nez d’un élitisme social qui ne dit pas son nom.
 
L’étude montre aussi que :
  • 90 % des enseignantes et enseignants ont un intérêt pour les méthodes pédagogiques susceptibles de combler les écarts de niveau,
  • 48 % d’entre eux souhaitent participer à une formation portant sur - dans l’ordre de préférence - :
    • la gestion des élèves au comportement perturbateur,
    • la différenciation des enseignements,
    • la nécessité d’avoir du temps pour « apprendre à apprendre »,
    • la valorisation du statut de l’erreur dans les pratiques quotidiennes,
    • la coopération entre élèves.
À l’inverse, les enseignants qui croient en la méritocratie sont celles et ceux qui favorisent un climat de performance au détriment d’un climat de maîtrise.
Un climat de performance se caractérise par des pratiques telles que :
  • la récompense des élèves qui font le meilleur travail,
  • la comparaison entre élèves,
  • la mise en valeur de ceux qui ont eu les meilleurs résultats pour donner envie aux autres de faire pareil.
L’enquête précise qu’il s’agit de pratiques qui accroissent les inégalités scolaires.
 
Toutefois, l’immense majorité des répondants déclare favoriser le climat de maîtrise, qui s’identifie par des pratiques différentes :
  • 76 % des enseignants expliquent aux élèves que l’erreur est une étape nécessaire du processus d’apprentissage,
  • 65 % donnent du sens et explicitent l’utilité des apprentissages scolaires,
  • 60 % font coopérer les élèves entre eux de façon à ce que chacun progresse,
  • 51 % propose un retour réflexif aux élèves pour expliquer ce qu’ils n’ont pas compris et pourquoi.
Synlab conclut en disant que cette enquête montre que croire en la méritocratie ne permet pas de réduire les inégalités, puisque la croyance en la méritocratie est corrélée avec des pratiques pédagogiques peu efficaces. Si l’École ne peut pas à elle seule réduire des inégalités liées aux conditions économiques et sociales des élèves, elle peut contribuer à ne pas les augmenter.
 
 
Pour le SE-Unsa, cette enquête a le mérite de montrer la déconnexion qui existe entre ce que les professionnels vivent et observent sur le terrain et les objectifs ministériels, où le martèlement du « retour aux fondamentaux » (comme s’ils avaient été perdus de vue) se double d’une carence de formation visant la réduction des inégalités scolaires.
Des inégalités scolaires qui se cumulent avec une incroyable inaction en matière de mixité sociale à l’École qui, au-delà d’être un facteur de réussite scolaire, est un moyen pour les plus fragiles de fréquenter des copains de milieux sociaux plus favorisés : un tremplin pour se projeter vers un meilleur avenir.
 
 
* Enquête menée auprès de 824 enseignantes et enseignants du primaire et du secondaire.