Gloutonnerie de classe

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L’enseignement « privé » catholique a récemment manifesté  sa volonté d’obtenir encore plus d’argent public pour se développer. Le parti « Les Républicains » soutient cette demande. 

Pourtant, les finalités de l’école publique et de l’école « privée » ne sont pas les mêmes : quand le « privé » confessionnel a pour objectif de s’approprier les consciences des enfants, l’école publique veut les libérer : c’est cela la laïcité.
 
 
Un financement des cultes détourné
 
Dans ses statuts de 2013, l’enseignement catholique indique que « l’Evangile inspire le projet éducatif aussi bien comme motivation que comme finalité ». Ainsi, il est manifeste que les financements publics alloués à l’enseignement confessionnel servent un culte, en opposition totale à la loi de 1905.
Pour le SE-Unsa, l’argent public doit servir l’intérêt général. Ici, ce n’est pas le cas.
 
 
Faut-il rendre à César ce qui lui appartient ?
 
La règle tacite du 80 %-20 %, qui depuis le début des années 90, régit la répartition des moyens entre public et « privé », est fondée sur une erreur : seulement 17 % des élèves sont scolarisés en dehors de l’enseignement public. Depuis lors, nos gouvernants successifs ne se sont guère émus de ce gaspillage.
L’offensive actuelle du privé se fonde sur une modeste hausse de 0,2 % des élèves accueillis, bien loin de l’idée d’une fuite des enfants de l’école publique.
 
Cependant, depuis des dizaines d’années, l’enseignement qui n’a de « privé » que le nom, a obtenu, au moyen d’un lobbying incessant, des sommes considérables, qui lui permettent de concurrencer le service public laïque d’éducation.  
Voici quelques dates de référence :
- 1941 : des subventions sont données aux écoles « privées » ; l’enseignement congréganiste est rétabli.
- 1959 : la loi Debré permet le financement public des écoles « privées » sous contrat
- Les lois Guermeur (1977) et Carle (2009) amplifient les allocations à destination du « privé ».
 
 
Bon appétit
 
Le SE-Unsa s’interroge sur la globalité des sommes perçues par l’enseignement « privé ».  En effet, ses sources de financement sont multiples :
- Fonds alloués au titre de la loi Debré et Guermeur : estimé à 7 milliards d’euros
- Fonds alloués par les collectivités territoriales : estimé à 5 milliards d’euros
- Dons défiscalisables par le biais de fondations, comme la fondation Saint-Mathieu, reconnue d’utilité publique en 2011
- Fonds alloués au titre de la formation continue des enseignants du « privé », opérée par l’organisme Formiris : estimée à 40 millions d’euros, cette somme est gérée dans l’opacité. La destination réelle des sommes accordées est inconnue.
 
Au regard de ces éléments, le SE-Unsa demande que soit établi le coût réel de l’enseignement « privé » en France.

 
Des projets de société opposés
 
Mais au-delà du coût financier, le SE-Unsa souligne le coût sociétal de telles dépenses.
Les initiateurs et les fondateurs de l’école publique laïque (Condorcet, Ferry, Goblet, Buisson, etc) avaient compris qu’une République démocratique ne pouvait être accomplie que par des citoyens, éclairés par des savoirs avérés.
Cet espace protégé où les enfants échappent aux assignations de leurs origines, de leur milieu, de leur quartier, de leurs parents, où leur conscience est préservée, exercée et amplifiée, s’appelle l’école laïque.
 
Au SE-Unsa, nous considérons que la préservation et la défense de cet espace de liberté de conscience relève d’un projet de société, à portée universelle.
À l’inverse, le développement du  communautarisme scolaire, qui conditionne la conscience des enfants aux volontés de leurs parents, les empêche  de faire l’expérience de la fraternité à l’âge où l’on tisse les liens les plus forts, nous conduit à un destin funeste.
 
 
L’addition s’il vous plaît
 
De reculades en renoncements, et malgré les mises en garde des laïques, notamment à travers le CNAL (Comité national d’action laïque), le dualisme scolaire s’est peu à peu banalisé. Nous en payons désormais le prix.
La mixité sociale est amenuisée : des murs réels ou virtuels se dressent dans notre pays comme ailleurs.
Pour le SE-Unsa, la ségrégation scolaire avance en France ; le communautarisme scolaire prospère, encouragé en cela par des élus politiques qui naviguent en eaux troubles.
Ainsi,  les parlementaires de droite et l’extrême droite se sont associés pour abattre la proposition de loi visant à durcir le contrôle a priori des écoles hors contrat.
Voilà comment le consumérisme plat, la colonisation des médias et la volonté de conserver un entre-soi grignotent l’intérêt général.
 
 
Notre avenir est laïque
 
La gloutonnerie des tenants de l’enseignement « privé » n’aura de limites que celles que nous lui assignerons.
Pour cela, il faut reprendre confiance dans l’idée jeune portée par l’idéal laïque. Garantir la liberté de conscience des enfants, pour faire face aux replis, aux peurs et à ceux qui en profitent.
C’est à cette condition que des filles et des garçons, capables de penser librement, pourront s’émanciper et bâtir une société digne de notre temps.