Tribune : L’égalité et la justice sociale commencent sur les bancs d’école

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De part et d’autre de l’Atlantique, Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Unsa Éducation, alertent les pouvoirs publics de leurs pays sur la ségrégation scolaire croissante. En France comme au Québec, la progression de la part du privé nuit à la mixité sociale ; elle nécessite des politiques publiques pour que la réussite de tous les élèves ne demeure pas « une utopie ».
 
 
Nous agissons dans nos pays respectifs pour porter un projet d’amélioration de la société par l’éducation. La réussite de chaque élève est notre moteur commun et le socle d’une société plus juste. Or, cette volonté est souvent contredite par des phénomènes de ségrégation sociale et scolaire qui pénalisent la réussite des élèves issus des milieux sociaux les plus défavorisés.
 
 
L’enseignement privé porte sa part de responsabilité dans une ségrégation scolaire croissante
 
En France, des établissements d’enseignement privé, qu’ils soient lucratifs, religieux, ou les deux à la fois, construisent le séparatisme scolaire en attirant des élèves issus de la frange la plus favorisée de la population. Ils concourent ainsi à la ghettoïsation des élèves issus des milieux les plus pauvres : l’entre-soi des uns conduit à la ségrégation des autres, qui aboutit à l’échec scolaire et au repli sur soi. La part du privé dans l’enseignement progresse lentement dans nos deux pays, surtout dans les grandes villes, notamment à Paris et à Montréal.
 
Cette situation pourrait paraître saugrenue, quand deux systèmes scolaires sont en concurrence, mais l’un pouvant sélectionner ses élèves, et l’autre non. Quand l’un, l’enseignement public, doit accueillir tous les élèves peu importe leurs besoins éducatifs particuliers, couvrir l’ensemble du territoire et intégrer les enfants migrants. Et quand l’autre système exerce une sélection sur la base des résultats scolaires des élèves ou de la capacité de payer des parents, tout en recevant sans difficulté des moyens publics. Cette concurrence faussée est exacerbée par des classements factices qui reposent uniquement sur les taux de réussite aux examens alors que le projet social d’une éducation publique de qualité doit être plus large qu’un simple objectif quantitatif.
 
 
La mixité sociale est essentielle pour l’avenir de nos démocraties
 
Bien que de manière différente, le Québec fait aussi face à des défis en matière de mixité sociale dans les écoles. La problématique d’une école à trois vitesses (publique, projets particuliers sélectifs et privée) est bel et bien réelle et favorise également la ségrégation scolaire. Pourtant, la mixité sociale dans les classes crée un terreau fertile à la réussite. Elle offre aussi aux élèves un milieu de vie qui reflète la diversité de la société et favorise le vivre-ensemble. En somme, elle est bénéfique autant pour les individus que pour la société.
 
Nos deux organisations syndicales partagent des préoccupations communes malgré nos deux sociétés différentes. L’accroissement des inégalités constitue un enjeu crucial pour nos deux sociétés sur le plan de l’égalité des chances et de la justice sociale. Au final, ce sont les jeunes qui en font les frais, et nous tous, collectivement. À ce chapitre, l’éducation doit porter un projet de société ambitieux et inclusif. Cela demande de lutter avec détermination contre les mécanismes qui alimentent la ségrégation sociale et scolaire des enfants et des adolescents, peu importe la forme qu’ils prennent des deux côtés de l’Atlantique.
 
 
Des mesures sont nécessaires et urgentes pour lutter contre ce phénomène
 
Nos deux organisations alertent les pouvoirs publics, de part et d’autre de l’Atlantique, sur le danger que représente cette ségrégation scolaire croissante. Elle prend forme différemment selon nos contextes scolaires spécifiques, mais nos deux organisations s’entendent sur la nécessité d’agir pour repenser et influencer les politiques publiques en faveur d’une plus grande mixité sociale au bénéfice de la réussite éducative du plus grand nombre. 
 
Pour nous, la réussite de tous les élèves n’est pas une utopie. C’est un objectif atteignable, qui demande une coordination de nos efforts pour influencer efficacement et positivement les politiques publiques.
 
 
Signataires
 
Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) 
Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Unsa Éducation
 
Cette tribune a été publiée en France et au Québec, dans Le Devoir et Médiapart