Le lien entre le président et la laïcité s’est abîmé : il lui incombe de le réparer
Des frontières à affermir
Le président s’est adressé à Mgr Pontier en lui disant : « Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer ».
Pour le SE-Unsa, cette affirmation est inacceptable.
La frontière entre l’État et l’Église a été fixée avec la loi de 1905, dite « de séparation des Églises et de l’État ». Pour autant, cette séparation n’est pas, comme l’a souligné le président, une « méconnaissance ». Des relations ont toujours existé entre les autorités républicaines et les représentants des cultes.
En évoquant cette « méconnaissance » le président vise en creux l’article 2 de la loi de 1905 disant que « l’État ne reconnaît aucun culte ». Cependant, il ne s’agissait pas pour le législateur de mal connaître ou d’ignorer les cultes, mais de supprimer la notion de « culte reconnu » présente dans le concordat napoléonien, qui leur offrait une place institutionnelle ainsi que des financements publics. Alors quel lien a pu être abîmé ? Quelle serait la nature de ces réparations ?
Le président doit s’expliquer.
La République ne connaît que des citoyens
En appelant les catholiques à s’engager en politique, le président sort de son rôle. Il doit seulement s’adresser au citoyen, caractère premier de chaque personne au sein de la République. La croyance constitue un caractère secondaire, comme le genre, la couleur de peau, les opinions politiques, l’orientation sexuelle... Parler aux catholiques comme à un bloc homogène revient en outre à leur demander de s’engager en tant que communauté, ce qui n’existe pas en France au regard de la constitution. En ne reconnaissant aucun culte, la loi de 1905 signifie que l’État ne reconnaît que des citoyens. Pas des communautés.
Pour la liberté de conscience
En se présentant comme « garant de la liberté de croire ou de ne pas croire », le président exprime une vision réductrice de la laïcité, où sont omises les possibilités de changer de croyance ou d’y renoncer.
Pour le SE-Unsa, le président aurait dû se placer en garant de la liberté de conscience, comme le prévoit l’article 1 de la loi de 1905.
Mais ce n’est pas si simple devant une assemblée d’évêques, porteurs du message de Vatican 2, qui précise dans sa constitution pastorale (gaudium et spes) que la conscience humaine n’est pas libre : « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera ».
Au SE-Unsa, nous pensons que chaque humain doit bénéficier d’une éducation permettant de résister aux emprises morales pour qu’aucune loi ne puisse s’imposer à sa conscience.
Pour l’égalité de dignité et de droits
Enfin, un passage surréaliste du discours retient l’attention : « chaque jour, des associations catholiques et des prêtres, accompagnent des familles monoparentales, des familles divorcées, des familles homosexuelles, des familles recourant à l’avortement [...] ; l’Église accompagne inlassablement ces situations délicates et tente de concilier les principes et le réel ».
Sans préjuger de la réalité de cette affirmation, l’opinion publique a surtout retenu l’opposition de l’Église au divorce, à l’acceptation de l’homosexualité, à l’IVG et au mariage pour tous.
Pour le SE-Unsa, la laïcité est le socle de la République.
Elle signifie :
- le respect de la liberté absolue de conscience (liberté de croire, de ne pas croire, de renoncer ou changer de religion) et la liberté de culte dans l’espace privé comme dans l’espace public ;
- la neutralité de l’État et donc des agents du Service public ;
- l’indépendance de la République à l’égard des religions.
Notre constitution assure « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
Pour le SE-Unsa, cette égalité des citoyens (et non des communautés) garantit la diversité des pensées et des cultures.
Les principes d’organisation de la société relèvent d’un équilibre fragile, si l’on ne veut pas qu’elle soit réduite à une collection de communautés qui se côtoient sans se connaître.
Le président doit être le garant des frontières entre les Églises et l’État, sans confusions ni ambiguïtés.
Notre pays n’a pas besoin que ses principes fondateurs soient affaiblis.
Le SE-Unsa est un syndicat laïque. Être un syndicat laïque, c’est œuvrer pour développer l’esprit critique et favoriser l’émancipation, pour s’extraire de sa condition, lutter contre les déterminismes religieux, scolaire et sociaux liés au hasard de la naissance en poursuivant des valeurs humanistes universelles.
C’est à cette condition que nous bâtirons la société de demain solidaire et fraternelle.