Laïcité : une proposition de loi décisive

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Le sénateur Pierre Ouzoulias a récemment déposé une proposition de loi visant à faire entrer dans la Constitution l’article 2 de la loi de 1905 «  la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte  ».
 
Le SE-Unsa lui donne la parole afin que chacun puisse envisager les changements concrets qui pourraient intervenir, si le texte allait au bout du processus législatif.
 
 
La laïcité est un principe inscrit dans le premier article de la constitution française, qui précise que la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Selon, vous que pourrait apporter de plus l’ajout de l’article 2 de la loi de 1905 ?
 
Beaucoup de choses ! La constitutionnalisation du premier alinéa de l’article 2 de la loi de 1905 nous permettrait d’abord d’aller au bout du processus de séparation entre les Églises et l’Etat, tel que le voulaient les législateurs de 1905.
Dans notre pays, il existe aujourd’hui des régimes dérogatoires à la loi de 1905. Je pense en particulier au concordat qui subsiste en Alsace-Moselle et à l’ordonnance de Charles X qui demeure en Guyane, laquelle permet au culte catholique de bénéficier d’un financement public.
L’adoption de cette proposition de loi traduirait la volonté sans équivoque du législateur et du peuple français de mettre fin à toutes ces exceptions au principe de laïcité. Le Conseil constitutionnel n’aurait dès lors d’autres choix que d’harmoniser le droit en la matière, en revenant de manière plus large sur tout ce qui fait entrave à la séparation entre les Églises et l’État. Il y a les régimes dérogatoires à la loi de 1905, mais aussi tout ce qui concerne les subventionnements directs et indirects des cultes.
Au fond, je considère que l’adoption de ma proposition de loi est un préalable indispensable à l’édification de la République laïque et sociale que Jean Jaurès appelait de ses vœux.
 
 
Votre proposition de loi prête à penser que la laïcité n’est pas achevée dans notre pays. Est-ce vraiment le cas ?
 
Oui, si on considère, comme c’est mon cas, que la laïcité se définit de la façon suivante : liberté de conscience et de culte, séparation de l’Église et de l’État et neutralité de ce dernier en matière religieuse, ce qui lui impose de ne reconnaître aucun culte et de n’en salarier aucun.
En partant de cette définition, comment pourrions-nous accommoder de la situation actuelle dans laquelle le principe de laïcité ne s’applique pas de la même manière selon le territoire de la République dans lequel vous vivez ? Comment prétendre garantir l’égalité entre les citoyens dans ses circonstances ? Au moment du vote de la loi de 1905, Georges Clémenceau disait que la séparation des Églises et de l’État n’était pas achevée, mais ne faisait que commencer. Force est d’admettre qu’il avait raison et je crois qu’il convient de relancer le débat autour de ce principe laïque auquel nos concitoyens sont très attachés. Je rappelle que l’abrogation des régimes dérogatoires à la loi de 1905 a longtemps figuré dans de nombreux programmes de partis de gauche. C’est encore le cas aujourd’hui et je suis heureux que le parti communiste français incarne ce combat, dans la lignée de l’action menée par Étienne Fajon, député communiste qui a introduit, par amendement, le principe de laïcité dans la Constitution de 1946.
 
 
Aujourd’hui, plus aucun groupe politique ne s’oppose frontalement à la laïcité ; mais ce principe a des faux-amis. Qui sont-ils et pensez-vous que cette proposition de loi permettra de les dévoiler ?
 
Oui, c’est une évidence. Nous le verrons au moment des discussions entourant la proposition de loi. Mais je ne doute pas que ce débat dévoilera au grand jour les différences entre ceux qui demeurent viscéralement attachés à la République, à l’héritage des Lumières et à celui de la Révolution française et ceux souhaitant inscrire dans notre Constitution que la France est de tradition chrétienne, tout en se prétendant les champions de la laïcité lorsqu’ils pourfendent, injustement, nos compatriotes de confession musulmane.