L’évaluation, le jury et la ministre

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Évaluation au service de la sélection des meilleurs ou évaluation au service de meilleurs apprentissages de tous les élèves ? Le rapport du jury de la conférence nationale s’inscrit sans hésitation dans la deuxième perspective : l’évaluation na de sens que si elle aide à mieux apprendre.

Pour le jury, il ne s’agit pas de s’inscrire a priori dans une évaluation « bienveillante » ou « positive » mais de « trouver des moyens de rendre les pratiques d’évaluation plus efficaces, plus adaptées et plus motivantes, le but étant de susciter et d’encourager le désir d’apprendre chez tous les élèves, quel que soit leur niveau et leur environnement social et familial ».

La problématique est complexe et le jury avance  sept recommandations qui, si elles étaient suivies, conduiraient selon lui à :
  • Distinguer clairement ce qui relève de l’évaluation formative et ce qui relève de l’évaluation sommative, en donnant une place beaucoup plus importante aux pratiques d’évaluation formative.
  • Cadrer l’évaluation sommative en dotant les équipes d’outils nationaux pour réduire les inégalités liées aux pratiques de notation actuelles qui ne sont pas sans conséquences sur les parcours scolaires des élèves.


La ministre fera part de ses décisions en avril. Le nouveau DNB sera alors annoncé, en même temps que la réforme du collège. Pour autant, elle a jugé utile de communiquer immédiatement son intention de ne pas suivre la recommandation de l’abandon des notes chiffrées dans les trois premiers cycles. Cette prise de position très politicienne annihile tous les efforts entrepris pour faire évoluer les représentations sur l’évaluation dans le cadre de la conférence nationale. Elle affaiblit les personnels engagés dans des démarches exigeantes de renouvellement des pratiques d’évaluation, au service de leurs élèves. Elle dessert lobjectif principal de la Loi de Refondation, promouvoir une école bienveillante, exigeante et juste.

Même si nous ne partageons pas forcément toutes les recommandations du jury de la conférence nationale, nous pensons qu’elles constituent un ensemble solide sur lequel la ministre aurait dû s’appuyer au lieu de le décrédibiliser avant même qu’il soit rendu public.

Les nombreuses équipes qui travaillent sans notes continueront à avancer sans le soutien de leur ministre. Elles en ont lhabitude.


Passons en revue les principales recommandations formulées par le jury.


1- À propos de la formation des professeurs

Le jury pointe tout d’abord, en s’appuyant sur les travaux de la recherche, les difficultés à évaluer de manière juste les acquis des élèves.

Il recommande que « les résultats les plus significatifs de la recherche sur ces questions soient systématiquement présentés aux enseignants au cours de leur formation initiale et tout au long de leur carrière ».


2- À propos des modes d'évaluation en phase d'apprentissage

Le jury recommande qu’on distingue clairement évaluation formative et évaluation sommative, lune ne devant pas contaminer lautre. Les élèves doivent pouvoir faire des erreurs en phase d’apprentissage sans être sanctionnés. C’est la garantie pour eux de pouvoir d’engager sans crainte dans des apprentissages nouveaux .

Le jury préconise que « l’évaluation sommative soit pratiquée de façon régulière, mais moins fréquente que l’évaluation formative : elle interviendrait à des moments précis qui correspondent à des ≪ points d’étapes ≫ du parcours scolaire ».

Le jury recommande le développement doutils standardisés par la DEPP pour ces évaluations d’étape : il s’agira de déterminer le niveau de maîtrise des différentes compétences attendues et de l’inscrire dans un livret numérique de suivi.


3- À propos de la place et du rôle de la notation chiffrée

« La première proposition du jury est que, dans un souci à la fois d’égalité et d’harmonisation, la place et le rôle de la notation soient semblables dans tous les établissements et écoles du territoire national. »

« La deuxième proposition du jury consiste à généraliser l’abandon de la notation chiffrée tout au long des cycles 1, 2 et 3, classe de sixième comprise, et à la remplacer par un autre type de codage reflétant la situation de l’élève dans le cadre d’une évaluation formative de ses compétences (on utilisera par exemple des échelles de performance). »

« La troisième proposition du jury consiste à faire du cycle 4 la période au cours de laquelle les élèves rencontreront pour la première fois la notation chiffrée. Les usages de cette notation et le poids quon lui donne doivent y être strictement encadrés. »

La note chiffrée sera réservée aux évaluations sommatives. Chaque note devra correspondre à un niveau de référence dans des grilles descriptives. La notion de moyenne n’a alors aucune pertinence. Les évaluations sommatives doivent reposer sur des situations diverses  (oral, conduite de projets, utilisation de l’environnement numérique, écrits individuels et travaux collectifs).

« Le jury recommande enfin que le cycle terminal du lycée conserve une notation plus traditionnelle, en lien avec les épreuves du baccalauréat, en préservant cependant le lien avec les compétences, la distinction entre évaluation formative et sommative, et une certaine prudence vis-a-vis du principe de moyenne ».


4- À propos de la communication avec les familles

« Afin de permettre a tous les parents de mieux saisir les modalités d’évaluation de leurs enfants, le jury recommande que les méthodes et les critères utilisés leur soient clairement expliqués grâce a une communication spécifique et adaptée à la diversité des familles ».


5- À propos de la politique d'évaluation dans les écoles et les établissements scolaires 

Le jury recommande d’ « impliquer en amont les représentants de la communauté éducative dans une définition commune, explicite et cohérente des modalités d’évaluations proposées. Pour cela, il préconise que la politique nationale d’évaluation des élèves soit déclinée et inscrite dans chaque projet d’école et d’établissement scolaire dans un chapitre spécifique. Cette déclinaison serait présentée dans les conseils d’écoles et d’établissements ».


6- À propos de l'orientation des élèves 

Le jury propose que « dans la phase d’affectation, le niveau de maitrise de certaines compétences puisse être pris en compte, auquel serait adjoint un avis du chef d’établissement sur la motivation et l’implication de l’élève dans la construction de son projet ».


7- À propos du diplôme national du brevet

Le jury propose de « valider lacquisition du socle en fin de cycle 4) à partir :

1. Du livret de compétences du cycle 4 pour lequel le renseignement apporte par les équipes pédagogiques s’appuie pour une part sur des évaluations sommatives dont les contenus sont puisés dans une banque nationale ou académique.

2. Des épreuves du diplôme national du brevet (DNB) dont l’unique fonction est désormais de contribuer à cette validation du socle.

Ces épreuves sont les suivantes :

deux projets personnels conduits l’un en classe de quatrième, l’autre en classe de troisième, impliquant une production (sur tout support), inscrits dans des champs disciplinaires différents et présentés oralement devant un jury ;

une épreuve écrite terminale d’examen, définie nationalement, dont le sujet est fixé au niveau national ou académique. Cette épreuve permet d’évaluer plusieurs compétences du socle qui peuvent elles-mêmes renvoyer à plusieurs disciplines;

une épreuve orale de langue vivante sur projet ».