« Choc des savoirs » : les groupes de niveau au collège, une mesure inefficace
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Le rapport de la mission « Choc des Savoirs » propose pour le collège « une organisation en groupes de niveau […] en mathématiques et en français, sur un tiers des horaires de ces disciplines entre la 6e et la 3e, en trois groupes de niveau (identification à partir des évaluations nationales et tests de positionnement fournis aux équipes enseignantes par la Depp). »
Des groupes de niveau VS des groupes de besoin
On est clairement sur des groupes de niveau (bons, moyens, faibles) et non des groupes de besoin puisque ceux-ci ne sont pas corrélés au niveau de maîtrise d’une notion ou d’une compétence particulière à renforcer mais d’un niveau moyen imprécis. Or, la recherche a montré depuis longtemps que cette mesure irait à l’encontre de l’objectif recherché d’améliorer l’efficacité de notre École en élevant le niveau général des élèves.
En effet, la synthèse du Cnesco sur la différenciation pédagogique (2017)* étudie les mécanismes de différenciation structurelle, tels que le redoublement, les classes de niveau, les filières, et explore les résultats de recherches sur leurs effets. Elle souligne que le redoublement, bien que parfois observé comme une amélioration à court terme, se révèle inefficace et préjudiciable à long terme, accentuant les inégalités socio-affectives. De même, le regroupement des élèves par aptitude en classes de niveau ne montre pas d’effet spécifique sur la qualité des apprentissages mais creuse les inégalités entre les classes.
Les recherches suggèrent que les systèmes éducatifs les plus différenciés présentent des performances moins bonnes, des écarts plus marqués entre élèves forts et faibles et accroissent les inégalités sociales. La synthèse conclut en mettant en avant l’importance de la diffusion des connaissances scientifiques sur ces résultats, soulignant que le passage d’une logique de différenciation à une logique d’intégration nécessite des convictions et des valeurs politiques fortes.
Si des moments ponctuels en groupes de besoin peuvent avoir leur utilité, l’hétérogénéité des niveaux mais aussi des milieux socio-culturels, des âges, des sexes… répond non seulement aux valeurs portées par l’École républicaine mais aussi à l’exigence des savoirs. Une typologie des groupes de travail comme celle-ci** peut aider à repérer quand, comment et pourquoi mettre les élèves en groupe.
Des classes hétérogènes plutôt que des classes de niveau
Voici les principaux arguments en faveur des classes hétérogènes, appuyés sur la recherche :
Diversité des compétences
Des études telles que celle menée par Cohen et Lotan (2014) ont démontré que la diversité des compétences dans une classe favorise un apprentissage plus riche et une compréhension approfondie des concepts, tout en préparant les élèves à travailler efficacement dans des environnements divers.
Inclusion sociale
Les recherches de Salend et Duhaney (1999) mettent en évidence que les classes hétérogènes contribuent à réduire les barrières sociales et à favoriser un environnement inclusif où chaque élève se sent accepté, renforçant ainsi l’estime de soi et la confiance.
Adaptabilité aux différents styles d’apprentissage
Les travaux de Tomlinson et Allan (2000) ont montré que la différenciation pédagogique dans des classes hétérogènes permet une adaptation plus efficace aux différents styles d’apprentissage, maximisant ainsi l’engagement des élèves et leur réussite académique.
Préparation à la diversité du monde réel
Les études de Banks et Banks (1995) soulignent que les classes hétérogènes préparent les élèves à vivre dans une société diversifiée, en favorisant la compréhension interculturelle et en développant des compétences cruciales pour la collaboration dans un monde globalisé.
Développement de l’empathie
Les recherches de Hoffman (2000) suggèrent que les enfants évoluant dans des environnements hétérogènes développent une empathie plus prononcée envers leurs pairs, favorisant ainsi un climat de classe plus harmonieux et bienveillant.
Motivation intrinsèque
Les travaux de Deci et Ryan (1985) ont montré que les environnements qui valorisent la diversité des compétences individuelles renforcent la motivation intrinsèque des élèves, les encourageant à s’investir davantage dans leur apprentissage.
Le travail de Marie Duru-Bellat et Alain Mingat montrait déjà en 1997 que regrouper les collégiens par niveau est une pratique contre-productive, leur article s’intitule d’ailleurs : La constitution de classes de niveau dans les collèges : les effets pervers d’une pratique à visée égalisatrice***.
L’avis du SE-Unsa
Les coordinateurs de la mission écrivent avoir conscience que cette mesure ne manquera pas de déclencher les critiques de ceux qui y verront un risque de stigmatisation des élèves et d’« École du tri », ce qui est la position du SE-Unsa.
Pour le SE-Unsa, il n’est pas acceptable que cette mesure, que l’on sait inefficace, soit considérée comme étant la seule envisageable.
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