Pauvreté à l’école : les mauvais comptes de la secrétaire d’État

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La crise sanitaire a mis en lumière et accru les inégalités sociales préexistantes dans la société et à l’École. Pour lutter contre ces inégalités, Nathalie Élimas, la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire, a détaillé des propositions destinées à soutenir les élèves et leurs familles. Pour le SE-Unsa, le compte n’est pas bon.
 
La pauvreté, cette inconnue
 
Le nombre de familles pauvres a largement augmenté depuis le début de la crise de la Covid. Les besoins qui existaient avant la crise sanitaire se sont donc accrus, or ces derniers n’étaient pas comblés avec les aides existantes. Ainsi, la barre des 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a été franchie en novembre 2020. En France, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et un enfant sur dix vit sous le seuil de grande pauvreté.
 
Le seuil de pauvreté est fixé à 885 € par mois pour une personne seule et le RSA pour une famille monoparentale avec un enfant est de 848 €, ce qui place directement ces familles sous le seuil de pauvreté et les enfants qui en font partie dans une situation de précarité que l’école ne parvient pas à éviter.
Les fonds sociaux qui n’existent que dans le second degré ne sont pas facilement accessibles et ne sont pas suffisants.
La gratuité affichée de l’école est entachée de nombreux frais annexes qui ne font que compliquer davantage leur scolarité. Certains s’en sortent mais si l’on regarde la concentration d’enfants issus de familles pauvres en Segpa ou en Ulis (75%), la majorité est orientée vers des filières dites adaptées alors que beaucoup n’en ont pas le profil. Pour lever les biais d’orientation qui pénalisent les élèves issus des familles défavorisées, le SE-Unsa est partenaire du programme Cipes (Choisir l’inclusion pour éviter la ségrégation) dirigé par ATD Quart-monde.
 
Les propositions de la secrétaire d’État
 
Dans une interview portant sur la pauvreté, parue dans le magazine Capital, Nathalie Élimas, secrétaire d’État à l’éducation prioritaire a présenté différentes mesures destinées à lutter contre les inégalités à l’École.
Lutter contre le non-recours aux bourses est une piste intéressante et nécessaire puisque 20 % des ayant droits n’en font pas la demande ; la piste avancée est de signaler aux foyers concernés leur éligibilité à l’occasion de leur déclaration de revenus en ligne… Cela laisse dubitatif au regard de l’innumérisme qui frappe les familles les plus pauvres. Même si une expérimentation de guichet unique pourrait être menée, la vraie difficulté consiste à entrer en contact avec les familles concernées et les accompagner dans leur demande.
 
La secrétaire d’État précise ensuite que les bourses seront étendues aux familles des classes moyennes. Rappelons que le montant le plus élevé de bourses en collège est de 459 € par an, ce qui ne permet pas aux bénéficiaires de compenser entièrement les frais de restauration scolaire. Pour le SE-Unsa, l’élargissement des bourses aux classes moyennes est une erreur politique et sociale, qui creusera les inégalités.
 
De plus, les lycéens boursiers « méritants » auront des primes. Ce système au mérite montre une méconnaissance de la vie des élèves les plus défavorisés, en effet réussir à étudier dans certaines situations de dénuement représente un mérite considérable et il n’est pas permis au personnel politique de l’ignorer.
 
Le manque de formation des personnels est évident en matière de grande pauvreté, mais la secrétaire d’État n’en fait que le constat, sans mettre en œuvre pour autant un plan de formation effectif.
 
Le Centre national d’étude des systèmes scolaires avait démontré dans une étude de 2016 que notre système éducatif était marqué par le poids de l’origine sociale dans la scolarité, malgré les efforts soutenus des personnels pour briser ces déterminismes.
 
Pour le SE-Unsa, les mesures proposées par Nathalie Élimas ne sont pas de nature à changer la donne. Viser la justice sociale reste, pour l’instant, un vœu pieux dans un pays où les milieux populaires ne pèsent plus sur les politiques publiques. L’urgence sociale ne peut pas se satisfaire de demi-mesures qui ne peuvent que générer du désespoir et faire toujours grandir le risque de notre avenir démocratique.