Enquête du SE-Unsa sur les groupes au collège : un bilan très négatif

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À partir des réponses de plus de 1 000 collèges, le SE-Unsa fait un bilan très négatif de la mise en œuvre de cette réforme. Pas de progrès des élèves, pas d’amélioration du climat scolaire et une dégradation des conditions de travail des enseignants. À quoi sert donc cette réforme ?
 
 
Contexte 
 
Mis en œuvre à la rentrée dernière sur la totalité du volume horaire de français et de mathématiques en 6e et en 5e, les groupes au collège ont fait l’objet de plusieurs enquêtes visant à déterminer leur efficacité. Rappelons que leur objectif était de faire progresser les élèves dans les deux disciplines dites fondamentales, à la suite des résultats inquiétants de l’enquête internationale Pisa de 2022.
 
Notre enquête se veut qualitative. Elle s’attache autant à connaître les conditions de mise en œuvre des groupes et les résultats qu’ils ont produits, qu’aux conditions de travail qu’ils ont créées pour les élèves comme pour les enseignants. Elle a été lancée au mois de janvier 2025, afin de laisser le temps aux enseignants et aux élèves de s’emparer de la réforme et d’en récolter les fruits. Plus de 900 collèges ont répondu à notre enquête, soit 13 % des collèges français. Afin de refléter la diversité des réalités des collèges du territoire, nous avons tenu compte de la taille des établissements (notamment les petits collèges ruraux de moins de 200 élèves) ainsi que de leur statut, selon qu’ils appartenaient au réseau d’éducation prioritaire (Rep, Rep+) ou pas.
 
 
Organisation des groupes : une absence flagrante d’homogénéité
 
Le texte de départ, passé entre les mains de plusieurs ministres de l’éducation, a subi plusieurs modifications qui ont affaibli le projet initial de Gabriel Attal. Des groupes de niveau, nous sommes passés aux groupes de besoins, et pour le SE-Unsa ce n’est pas qu’une question de sémantique. L’obligation de regrouper des élèves d’un même niveau de difficulté ayant été levée, de nombreux collèges en ont profité pour organiser de véritables groupes de besoins, mais aussi des groupes hétérogènes, en n’adoptant pas forcément la même organisation selon la discipline ou le niveau d’enseignement… Et si 46 % des collèges répondants ont assuré avoir organisé des groupes de niveau, ce n’est pas forcément par conviction, mais par nécessité : souvenons-nous que l’organisation de la rentrée 2024 dans les collèges s’est faite sans qu’aucun texte ne soit paru, mais uniquement sur des annonces ministérielles de groupes de niveau.
 
Si la flexibilité prônée par le décret est bien appliquée dans 65 % des cas, le retour en classe de référence, limité à dix semaines dans l’année scolaire, est peu mis en œuvre voire pas du tout. Alors que les dix semaines se voulaient une forme de souplesse pour les établissements, elles sont devenues une contrainte impossible à mettre en œuvre sans bouleverser l’organisation des collèges, déjà bien mise à mal par la réforme.
 
 
Des moyens ? Quels moyens ?
 
Près de la moitié des répondants affirment n’avoir reçu aucun moyen pour mettre en œuvre la réforme, ce qui n’aura rien de surprenant dans un contexte bien établi de mise en œuvre de réformes à moyens constants. Encore plus inquiétant, le financement de la réforme par les collèges eux-mêmes, qui, à plus de 65 %, ont dû prendre sur leur marge d’autonomie pour mettre en œuvre les groupes. Conséquence la plus notable : la disparition, dans près de 65 % des cas, de nombreux dédoublements, qui offraient de meilleures conditions d’apprentissage aux élèves.
 
 
Des conséquences humaines et pédagogiques inquiétantes
 
Trois quarts des collèges répondants constatent une dégradation des emplois du temps des enseignants. Pour la moitié des répondants, ceux des élèves sont aussi impactés de manière négative. 
 
Plus alarmant, les groupes échouent à faire progresser les élèves, alors que c’était leur premier objectif : moins de 40 % des enseignants constatent une progression des élèves après un trimestre. Pour le SE-Unsa, qui n’a jamais souhaité cette réforme et dont les conclusions rejoignaient celles des scientifiques opposés aux groupes de niveau, cela n’a rien de surprenant. Mais c’est bien au sein des groupes de besoins, lorsqu’ils sont mis correctement en œuvre, que les élèves semblent progresser le mieux et qu’ils se sentent le plus motivés. Pour le SE-Unsa, la difficulté ponctuelle traitée sur une période donnée avec un retour assuré dans la classe de référence est une solution qui doit être considérée.
 
Les enseignants constatent à 55 % une augmentation de leur charge de travail couplée à une diminution de leur liberté pédagogique. Dans un contexte tendu où on en demande toujours davantage aux enseignants, cette mesure fait déborder le vase. On ne s’étonnera donc pas que 60 % des collèges répondants ne souhaitent pas la reconduction des groupes en 6e et en 5e à la rentrée 2025, et que 76 % d’entre eux ne souhaitent pas leur extension en 4e et en 3e.
 
 
L’avis du SE-Unsa
 
Mal pensée, mal accompagnée, l’ex-mesure phare du Choc des savoirs semble avoir fait long feu. Même la ministre n’y croit pas, puisqu’elle a finalement renoncé à l’appliquer aux classes de 4e et de 3e à la rentrée prochaine. Les résultats de l’enquête du SE-Unsa sont confortés par ceux de l’enquête menée par l’inspection générale, qui formule les mêmes constats et les mêmes conclusions : les groupes n’ont pas fonctionné, ils ont dégradé les conditions de travail des enseignants et les conditions d’apprentissage des élèves (à l’exception de ceux qui avaient la chance d’être en effectif réduit), ils n’ont pas fait progresser les élèves et, pire encore, ont creusé les écarts entre les élèves les plus fragiles et les autres.
 
Le ministère doit comprendre qu’une réforme non concertée avec les personnels de terrain et non accompagnée de moyens n’a aucune chance de réussir. Les enseignants sont attachés à l’hétérogénéité, garante de mixité scolaire et sociale sans laquelle l’exercice de la démocratie n’est pas envisageable. Ils souhaiteraient simplement avoir des effectifs moins lourds dans leurs classes pour pouvoir la gérer correctement. La piste des groupes de besoins doit être envisagée plus sérieusement que comme une question de sémantique. Elle demande un véritable investissement de l’Institution dans l’éducation des jeunes et auprès des personnels qui les encadrent et leur enseignent. Eux sont prêts depuis longtemps.