Groupes au collège : un premier bilan défavorable, qui confirme nos craintes
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L’IGÉSR (inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche), à qui la ministre avait confié la mission d’évaluer la mise en œuvre des groupes de besoins en français et en mathématiques au collège, vient de rendre son rapport*. Ses conclusions rejoignent sans surprise les résultats de l’enquête que le SE-Unsa a menée auprès de la profession.
Modalités de mise en œuvre des groupes : le règne de la confusion
Le SE-Unsa avait déjà fait le constat, au regard des nombreux changements subis par le texte de départ, que les collèges s’étaient emparés (ou pas) de la réforme en se livrant à un important travail d’adaptation. La confusion générée par les groupes de niveau devenus groupes de besoins a donné lieu à de multiples configurations : l’inspection générale a pu ainsi constater la mise en œuvre, selon les établissements, de groupes de niveau, de groupes hétérogènes et, plus rarement, de groupes de besoins. Une variété de configurations qui n’aura pas facilité l’évaluation du dispositif.
Autre point saillant que notre enquête a également révélé : les dix semaines de regroupement en classe de références ont peu ou pas été utilisées par la plupart des collèges interrogés par l’IGÉSR. Pour le SE-Unsa, cela retire leur efficacité aux groupes de besoins qui ne peuvent avoir de sens que si les élèves ont la possibilité de réinvestir leurs acquis au sein de la classe hétérogène.
Conséquences pour les enseignants : des conditions de travail dégradées
Les freins locaux à la mise en place de la mesure cités par l’inspection générale correspondent à ceux que notre enquête a identifiés et présentés comme les conséquences néfastes d’une mesure qui n’était pas souhaitée : la construction des emplois du temps s’est révélée problématique ; les professeurs de français et de mathématiques ont souvent refusé de remplir la mission de professeur principal de crainte de ne pas pouvoir suivre correctement des élèves qu’ils verraient peu, et cette mission devient également complexe pour les enseignants des autres disciplines, qui ont affaire à des équipes pédagogiques démultipliées ; si les enseignements optionnels résistent, les heures dédoublées ont fortement diminué, voire disparu dans certains collèges. Enfin, l’inspection générale pointe l’insuffisance des locaux et la fragilisation du remplacement de courte durée (RCD).
Conséquences pour les élèves : des progrès qui se font attendre
Jugés peu efficaces sur les difficultés des élèves les plus fragiles par les enseignants que nous avions interrogés, les groupes provoquent le même constat chez les inspecteurs généraux. Si les élèves les plus en difficulté apprécient de travailler en effectif plus réduit, les progrès attendus ne sont pas au rendez-vous. Les élèves en grande difficulté sont plus visibles, mais la prise en charge de cette difficulté n’est pas meilleure. En effet, l’inspection générale constate que la plupart des enseignants de français et de mathématiques réduisent leurs exigences et les tâches confiées aux élèves en grande difficulté, mais n’adaptent pas véritablement leur enseignement à ce public particulier. Ce constat confirme la nécessité de former les enseignants à la grande hétérogénéité, ce que préconise par ailleurs l’inspection générale. Plus inquiétant, non seulement les groupes ne parviennent pas à réduire les écarts entre les élèves les plus en difficulté et les autres, mais ils risquent au contraire de les creuser davantage, selon l’IGÉSR, en premier lieu parce que la flexibilité supposée des groupes n’est pas appliquée.
L’avis du SE-Unsa
Le SE-Unsa n’a pas cessé d’alerter le ministère sur l’inefficacité d’une mesure qui n’a été ni pensée, ni accompagnée, et qui a semé le désordre dans les collèges qui l’ont mise en place, pour des résultats peu probants. Ce rapport de l’inspection générale ne fait que conforter les résultats de notre enquête et renforce donc notre détermination à porter l’abandon des groupes au collège, du moins sous la forme imposée par le ministère.
Aussi, certaines recommandations de l’inspection générale rejoignent les nôtres : abandon du modèle actuel consistant à proposer une mise en œuvre uniforme des enseignements en groupes pour tous les élèves de 6e et 5e sur l’ensemble des horaires disciplinaires de français et de mathématiques, renforcement de l’autonomie des chefs d’établissement et des équipes pédagogiques en les mettant en situation de définir une stratégie de réussite propre à chaque collège, engager un vaste programme de formation initiale et continue des enseignants du second degré portant en particulier sur la gestion de l’hétérogénéité des élèves. Finalement, le SE-Unsa aurait pu écrire ce rapport au moment même de la mise en œuvre de la réforme, tant les conclusions étaient prévisibles.