Groupes de niveau : des conditions de travail particulièrement dégradées

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Dans le plan « Choc des savoirs », la ministre de l’Éducation nationale met en place des groupes de niveau en mathématiques et en français en 6e et 5e à la rentrée 2024. Pour le SE-Unsa, ils vont considérablement dégrader les conditions de travail.
 
Un dispositif pédagogique qui peut séduire, mais…
 
Il peut paraître séduisant voire rassurant réduire l’hétérogénéité des classes en regroupant les élèves par niveau. Cependant, les études scientifiques sont quasi-unanimes pour démontrer l’inverse, c’est pourquoi le SE-Unsa est opposé aux groupes de niveau sur le plan pédagogique mais privilégie par exemple les groupes de besoin (lire notre article).
 
Pas de moyens pour tous les collèges, un mensonge par omission
 
Avant les vacances de fin d’année, nous avons appris lors de l’instance de répartition des moyens pour la rentrée 2024, que seuls environ 20 % des collèges recevraient des moyens pour alléger les groupes de niveau, et uniquement pour les groupes des élèves les plus faibles (groupe 1). 80 % des collèges, bien qu’ayant eux aussi des élèves faibles, n’auront aucun moyen pour alléger les groupes. Il s’agit au moins d’un mensonge par omission. Tous les enseignants de collège et tous les parents de collégiens avaient compris que des moyens seraient donnés à tous les collèges pour organiser des groupes de niveau. Le ministère considère que la 26e heure de cours de 6e qui est supprimée (l’actuelle heure supplémentaire de français/maths et ex-heure de technologie) pourra participer au financement, de même que les heures de la marge d’autonomie, mais pour quelles conséquences ?
 
Moins d’autonomie… au détriment des disciplines non fondamentales
 
Actuellement, les 3h/classe de marge d’autonomie sont souvent utilisées pour dédoubler des heures de français et de maths, mais aussi de sciences pour pouvoir faire des TP avec des effectifs raisonnables, en langues vivantes pour travailler l’oral en groupe réduit ou dans d’autres disciplines pour mener à bien des projets pédagogiques. Dès lors que le ministère ne financera pas les groupes de niveau et qu’il demandera de prendre sur cette marge, ce sera au détriment des autres disciplines, celles qui sont considérées en creux par le ministère comme non essentielles.
 
Quelles conséquences sur les services des enseignants ?
 
Si la marge horaire n’est plus disponible que pour le français et les mathématiques, de nombreux collègues vont se retrouver en complément de service ou pire en mesure de carte scolaire.
Par ailleurs, organiser les groupes de niveau va nécessiter de faire des alignements dans les emplois du temps sur l’ensemble des heures de français et de maths soit un tiers de l’emploi du temps d’une classe. Par conséquent, les professeurs auront des emplois du temps plus morcelés et les vœux formulés seront moins pris en considération. Aligner les cours pour faire plus de groupes que de classes, nécessitera de parfois mobiliser tous les enseignants de la discipline sur le même niveau. À terme, avec l’extension du dispositif au 4e/3e à la rentrée 2025, il est fort probable que les professeurs de maths et de français soient contraints d’avoir les 4 niveaux. Dans certains petits collèges avec 2 ou 3 enseignants dans une discipline, il sera même impossible de faire 3 ou 4 groupes de niveau, faute de professeurs disponibles.
 
Prof principal or not prof principal ?
 
Être professeur principal suppose, pour assurer sa mission correctement, de connaitre et de suivre ses élèves. Comment vont donc faire les professeurs de maths et de français qui n’auront en cours que des regroupements d’élèves venus de différentes classes pour être professeurs principaux ? Réglementairement rien ne les en empêchera, cependant, être professeur principal d’une classe dont ils ne connaitront qu’une partie des élèves risque d’être bien difficile.
 
Une dégradation des relations humaines
 
Toutes les conséquences décrites précédemment créeront de fait différents conflits. Tout d’abord entre enseignants pour éviter d’avoir les groupes d’élèves les plus faibles, qui seront plus difficiles à gérer, comme le savent tous ceux qui l’ont déjà expérimenté. Regrouper des élèves en difficulté, démotivés et parfois avec des difficultés d’apprentissage lourds, rend la tâche très ardue. Par ailleurs, rien ne dit non plus qu’on ne va pas au-devant de conflits avec les familles qui pourraient contester le groupe dans lequel leur enfant sera affecté.
 
L’avis du SE-Unsa
 
Derrière une annonce qui peut apparaitre comme séduisante et rassurante, les difficultés d’organisation seront légion. Au-delà du questionnement sur le bien-fondé des groupes de niveau, la dégradation des conditions de travail ne sera pas une fiction mais la réalité. Seuls les concepteurs ou les commentateurs qui n’exercent pas dans un collège ne veulent pas l’admettre. Le SE-Unsa revendique donc que, faute de moyens pour financer ce projet, les groupes de niveau soient abandonnés immédiatement pour ne pas dégrader davantage les conditions de travail des enseignants de collège et des conditions d’apprentissage des élèves.
 
>> Lire aussi les articles de l’Unsa Éducation sur les groupes de niveau :