Une circulaire de rentrée qui souffle le chaud et le froid
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La circulaire de rentrée concernant l’école primaire est parue au BO le 29/05/2019.
Spécifique au premier degré, elle est censée marquer la priorité politique que le ministre accorde à ce niveau. Elle prend en compte les annonces du Président de la République sur les effectifs et l’instruction obligatoire à 3 ans. Moins caricaturale qu’on pouvait le craindre, elle présente des points intéressants. Néanmoins, elle décrit un cadre qui pourrait se révéler très contraignant en fonction de l’interprétation qui en sera faite sur le terrain. Tout dépendra donc du discours qui sera tenu aux cadres chargés de la mettre en oeuvre.
Les points saillants à retenir
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Le dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire et un maximum de 24 élèves pour toutes les classes de grande section, CP et CE1, dès cette rentrée, là où c’est possible, et ce serait effectif partout au cours des rentrées 2020 et 2021
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Une école maternelle, qui soit une école de l’épanouissement : en étant attentifs à l’accueil des parents, en travaillant en synergie avec les ATSEM, en transmettant de la confiance en soi aux élèves
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Une école maternelle, qui soit une école du langage en mettant une priorité sur l’enseignement du vocabulaire oral
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Enrichir la formation des professeurs débutant en école maternelle, dans le cadre d’un parcours de développement professionnel pour les professeurs néo-titulaires nommés sur un poste en école maternelle et pour les professeurs enseignant en école élémentaire débutant en maternelle.
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Le dispositif des évaluations nationales est conforté et va se poursuivre.
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L’annonce de nouveaux guides dès la rentrée prochaine sur le vocabulaire et la phonologie à l’école maternelle, sur la lecture et l’écriture au CE1, sur la grammaire et les langues vivantes étrangères à l’école élémentaire, et enfin sur les mathématiques au CP.
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D’autres ressources sont annoncées en appui de la prochaine session d’évaluations nationales.
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Une mobilisation des cadres pour venir en aide aux professeurs confrontés aux situations les plus difficiles et pour accompagner les évolutions sur la base de visites de classes régulières.
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Cultiver le plaisir d’être ensemble via le respect d’autrui, l’accueil des élèves en situation de handicap, l’éducation artistique et culturelle et une meilleure équité entre tous les territoires de la République.
Les marques de confiance, les points encourageants
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Il est dit “grâce à l’engagement de tous les professeurs et des équipes qui les soutiennent, les mesures engagées produisent déjà des effets significatifs” mais sans précision de ce dont il s’agit…
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L’impact des enseignants sur la confiance en soi des enfants et sur la qualité de leurs apprentissages est soulignée… avec presque trop d’emphase.
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Pour l’accueil des 3 ans, des aménagements d’emploi du temps peuvent être autorisés quand les plus jeunes enfants ont encore besoin de dormir l’après-midi.
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La place accordée aux activités permettant de découvrir, de manipuler, d’expérimenter, de jouer, d’échanger, entre élèves et avec les adultes, est réaffirmée ainsi que la consigne d’éviter au maximum l’évaluation et le travail sur fiches en maternelle.
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Pas de repères annuels pour les classes de maternelle
Les signaux de défiance, les points qui appellent à la vigilance
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L’exigence d’assiduité est affirmée pour tous les élèves durant les 24 heures d’enseignement, ce qui manque de cohérence avec les aménagements autorisés pour les élèves de PS.
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La précision qu’il faut, dès la petite section, construire une conscience phonologique par un travail régulier, les modalités ne sont pas précisées mais s’il s’agit d’entrainements systématiques c’est bien trop tôt !
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L’enseignement du vocabulaire oral : le langage est déjà au coeur de la maternelle, insister ainsi sur le vocabulaire ne doit pas mener à des “leçons” coupées d’un contexte de communication réel.
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Des évaluations nationales reconduites avec les mêmes méthodes malgré les vives protestations des enseignants et la mise en évidence de la façon dont elles sont manipulées dans leurs résultats mêmes et à des fins de communication. Par exemple le délai annoncé entre la saisie des réponses des élèves et la mise à disposition des résultats permettent de penser que les seuils de réussite seront à nouveau “bricolés” a posteriori.
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Beaucoup d’insistance sur ce qui est instrumental : entrainements intensifs et réguliers, mémorisation, procédures à appliquer… et peu de références aux tâches complexes exigeant de penser, raisonner, comprendre l’implicite, faire des liens entre les différents objets de savoir…
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Des attendus fixés pour chaque année scolaire d’élémentaire qui cassent la logique des cycles et dénaturent l’esprit des programmes de 2016 qui voulaient donner aux élèves le temps d’apprendre et d’avancer à leur rythme
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Le ciblage de priorités stratégiques du CP au CM2 qui laissent perplexes…
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Les animations pédagogiques obligatoires sur les mathématiques en élémentaire et sur le vocabulaire en maternelle ne sont pas spécifiquement indiquées dans la circulaire alors qu’elles sont bien prévues à notre connaissance… un oubli ?
En conclusion
Cette circulaire a bien évolué depuis sa première version présentée il y a quelques semaines aux organisations syndicales, la tonalité générale qui était très verticale, injonctive et réductrice est devenue plus ouverte et respectueuse du travail des enseignants.
On peut se demander si l’on n’est pas en présence d’un double discours, notamment au regard de certaines déclaration faites dans la presse par Jean-Michel Blanquer, il reste à vérifier dans l’usage qui sera fait de cette circulaire et des recommandations qui l’accompagnent si la confiance affichée envers les enseignants est réelle ou s’il s’agit, une fois encore, de leur imposer une vision pédagogique étriquée, limitée aux fondamentaux qu’il faut entraîner sans relâche avec les “bonnes méthodes” approuvées par le ministre et son conseil scientifique.
Pour le SE-Unsa il est difficile d’avoir un avis tranché sur la circulaire de rentrée et les documents qui l’accompagnent tant ceux-ci sont disparates, voire contradictoires. Chacun, suivant l’angle qu’il prend peut interpréter ces priorités / recommandations / consignes comme cela l’arrange et c’est peut-être bien le but poursuivi.
Tout se jouera dans la mise en musique concrète sur le terrain, ce qui dépendra principalement des consignes données pour le pilotage.