Transidentité, une éducation à revoir

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Comment faire face aux humiliations et à l’incompréhension quand on est prof ou élève trans en France ? Certains s’appuient sur des soutiens parfois inattendus au sein de l’équipe pédagogique quand d’autres, face au "tabou", préfèrent ne rien révéler de leur vie d’avant.
 
Rien n’est prévu au niveau institutionnel dans l’Éducation Nationale qui préfère taire ce sujet plutôt que d’accompagner les personnels ou les élèves qui seraient concernés.
 
 
Du côté des personnels
 
Pour l’administration de l’Éducation nationale, "on n’est pas prévu", constate Maïwenn, 33 ans, professeure de SVT dans un lycée de banlieue parisienne. Certaine depuis sa petite enfance d’être une fille dans un corps de garçon, elle commence à 27 ans sa transition d’homme à femme avec prises d’hormones, pendant sa formation d’enseignante.
Maïwenn trouve difficilement son stage de fin d’études : "le rectorat m’a expliqué que je n’étais pas traitée différemment mais c’était « normal que cela pose des soucis »".
Avant l’entrée dans la vie active, elle prend une année sabbatique pour se faire opérer et "gérer le changement d’état civil". Elle n’a jamais parlé de sa première identité au sein de son établissement, à la direction ou ses collègues. "C’est un tabou, je sais d’expérience que ça n’amène que des ennuis".
 
L’absence de consignes officielles
Fin mai, une professeure d’un collège de Seine-et-Marne a été victime de propos transphobes après la publication sur les réseaux sociaux d’un courrier de la principale de son établissement. Elle expliquait aux parents que leur enseignant souhaitait désormais être appelée "madame". Partie d’une bonne intention, cette lettre destinée aux seuls parents a provoqué des insultes sur Twitter et Facebook.
 
"Il n’y a pas de consigne officielle" sur la conduite à tenir avec les élèves ou les profs qui changent de genre, relève le proviseur d’un lycée du sud de la France, dont un membre de l’équipe pédagogique vient d’achever sa transition. "Il y a eu quelques remarques de collègues au début, quelques ricanements de la part d’élèves, et puis ça s’est calmé".
 
Du côté des élèves
Pour Marvin, né Marine, qui a adopté son nouveau prénom à 10 ans, "les ennuis ont commencé au collège". À l’époque, la principale refuse de modifier son prénom et lui lâche un "au revoir mademoiselle" lors d’une visite dans sa classe.
Marvin parvient à échapper au vestiaire des filles lors des cours de sport grâce à un prof qui l’autorise à se changer dans son bureau ; la gardienne du collège le recueille dans sa loge et lui permet d’utiliser ses toilettes.
Avec les élèves, après des moqueries, "on a fini par se connaître et plus personne ne m’a posé de questions. Ils ont compris comment j’étais", raconte Marvin, aujourd’hui âgé de 17 ans.
 
Si les adolescents peuvent se montrer impitoyables face aux personnes qui dérogent à la norme, les spécialistes relèvent que les jeunes d’aujourd’hui sont toutefois bien plus ouverts que leurs aînés sur les questions LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres).
 
"Le groupe de pairs (les élèves) vont avoir une souplesse et une ouverture, à quelques exceptions près, alors que les enseignants pourront avoir plus de difficultés", note Jean Chambry, pédopsychiatre. "Le rapport à l’identité s’est modifié. Je suis surpris de voir avec quelle facilité les jeunes abordent facilement ces sujets, avec des représentations moins stéréotypées" et un vocabulaire approprié, inconnu de leurs aînés.
Une plus grande aisance liée peut-être, de manière paradoxale, à la polémique sur le mariage pour tous, qui a mis sur le devant de la scène des sujets restés longtemps sous le tapis, selon lui.
 
"La visibilité accrue crée une sorte de banalisation", renchérit Arnaud Alessandrin, sociologue spécialisé sur les thématiques LGBT, qui note que "les jeunes profs par exemple ont moins peur d’assumer leur transidentité". Le chercheur souligne néanmoins que nombre d’élèves trans sont en décrochage scolaire et que des profs préfèrent quitter le métier.
 
Pour Maïwenn, "les choses progressent mais très lentement". Elle regrette l’absence de la transidentité lors des débats sur les discriminations : "ça reste l’innommable". Elle n’a cependant aucune envie de changer de métier car elle "aime enseigner".
 
Le besoin de formation
Le besoin de formation sur ce sujet pour les enseignants est clair. Le problème est qu’il faudrait également former les formateurs.
De plus, Vigi-gender* continue à répandre ses idées nauséabondes concernant les études sur le genre, ils viennent d’envoyer un rapport au ministre de l’Éducation Nationale pour dénoncer les documents proposés sur Eduscol, Canopé ou le site Matilda. Or les documents que l’on y trouve permettent non seulement de mieux être informé sur le sujet mais aussi de débattre entre équipe éducative ou avec les élèves, et enfin une prise en compte des personnes transgenres dont l’équilibre passera par la reconnaissance de leur existence.

Lien vers Matilda.

Lien vers Eduscol.
Lien vers un article de Télérama sur les personnes transgenres.
*Lien vers un article de La Croix.