Réforme du collège : lettre ouverte à la ministre
Madame la Ministre,
Un certain nombre d’opposants à la réforme du collège s’expriment fortement sur les réseaux sociaux, dans les tribunes des journaux ou encore dans les émissions de radio et de télévision. Ces opposants s’expriment de manière d’autant plus virulente que les arguments fournis démontrent au mieux une méconnaissance des textes de la réforme ou de la mauvaise foi, et au pire une volonté de désinformation et d’instrumentalisation de ce projet.
Cette réforme ne doit pas être jugée à l'aune des polémiques qui ont surgi ces dernières semaines sur la prétendue suppression des classes bilangues jusque-là réservées à quelques-uns ou encore sur la disparition des options qui permettaient de constituer des filières élitistes au sein d'un collège, mais elle doit se concevoir comme un début de réponse aux enjeux de société auxquels nous devons répondre : amélioration des compétences et connaissances de tous , inclusion de tous les jeunes, citoyenneté, égalité et fraternité.
Nous souhaitons rappeler le consensus fort qui s'est dégagé sur les causes et les solutions à apporter après les évènements survenus en janvier dernier : une grande partie de ces solutions se trouvent au sein des établissements scolaires, dans les classes mais aussi en dehors et il est urgent de les mettre en place, avec l'ensemble des acteurs éducatifs.
L'Ecole est le creuset de la société de demain. Les inégalités qui se sont renforcées dans notre système éducatif approfondissent encore les inégalités générées par l'organisation de notre société. Les valeurs de respect et du vivre ensemble s'apprennent dans les écoles et les collèges à travers les enseignements du tronc commun mais aussi au quotidien dans la vie et les instances de gouvernance du collège où les élèves doivent être plus et mieux associés ainsi que dans tous les lieux et les moments de débats et de réflexion que nous pourrons introduire.
Dans une société de plus en plus complexe et technique, où les connaissances évoluent très vite et où la maîtrise et la compréhension des technologies sont obligatoires, il serait inacceptable de laisser 15% d'une classe d'âge au bord du chemin en ne préparant pas ces jeunes à prendre part à la société de demain. Demain, être citoyen, ce sera aussi maîtriser ces outils. Il serait tout autant inacceptable d'abandonner l'ambition d'un système éducatif qui s'adresse à tous, qui promeut et qui accompagne tous les élèves.
Madame la ministre, la réforme du collège a été approuvée à une large majorité (51 pour, 25 contre, une abstention) par la communauté éducative qui siège au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) et vous n’êtes pas sans savoir que rares sont les réformes d’ampleur qui ont reçu un tel assentiment dans cette instance. Nous savons votre attachement à continuer de porter la refondation de l’Ecole et nous souhaitons, par la présente lettre, réaffirmer au-delà du vote en CSE, notre soutien à votre projet et vous faire part de notre détermination à continuer de faire progresser le collège.
En repensant la pédagogie, en donnant plus de sens aux apprentissages, en renforçant l'enseignement des langues pour tous, en favorisant le travail en équipe, en instituant une plus grande autonomie des établissements, en proposant un collège plus juste, cette réforme constitue une étape indispensable dans la construction d’un collège pour tous, adapté à notre société complexe, plurielle, ouverte sur le monde d'aujourd'hui. Pour réussir sa mise en œuvre, plusieurs conditions sont à réunir :
- La mise en place d’une formation continue qui parte des besoins des équipes, qui permette de construire des projets solides pour la rentrée 2016 et qui se fasse au sein des établissements ;
- Un accompagnement sur un temps long de ces équipes, en mobilisant toute l’institution pour ce faire ;
- Mettre bien en cohérence les nouveaux dispositifs, les programmes rénovés et des manières différentes d’évaluer, y compris la validation finale du socle commun
En outre, nous souhaiterions aller plus loin, notamment en mettant en place une nouvelle organisation du temps scolaire plus favorable aux apprentissages, en développant la vie collégienne en dehors du temps en classe, en renforçant l'encadrement éducatif dans les établissements, en favorisant les partenariats en particulier avec les acteurs du territoire, en repensant le rôle et la place des parents, .... Ainsi, nos organisations restent mobilisées pour poursuivre la refondation.
Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, à l’expression de nos sentiments militants dévoués à la réussite de tous les élèves.
Paris, le 11 mai 2015
Philippe Watrelot, président du CRAP-Cahiers pédagogiques
Marie-Claude Cortial, présidente d’Education et Devenir
Paul Raoult, président de la FCPE
Christian Chevalier, secrétaire général du SE-UNSA
Frédéric Sève, secrétaire général du SGEN-CFDT