Réforme de l’apprentissage, pas à n’importe quel prix
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Les premières conséquences de la loi pour « choisir son avenir professionnel » du 5 septembre 2018 se font sentir. La libéralisation du marché de la formation professionnelle ne pouvait pas se passer sans heurts. Cette réforme de grande ampleur a pour ambition un développement massif de l’apprentissage.
La situation est particulièrement critique en Alsace où les centres de formation d’apprentis (CFA) se mobilisent. Des actions de terrain sont organisées dans chaque CFA alsacien ce mardi 15 octobre et les personnels enseignants, administratifs et agents en grève manifesteront devant le rectorat à Strasbourg. Comment en est-on arrivé là ?
La libéralisation du marché de la formation professionnelle
La loi simplifie la structure juridique des établissements dispensant des formations en apprentissage, ouvrant ainsi la voie à un marché libéralisé.
À partir du 1er janvier 2020, plus besoin d’une autorisation administrative ou d’une convention avec la Région pour ouvrir un CFA.
Toute structure qui souhaite délivrer des formations par apprentissage doit disposer d’un numéro de déclaration d’activité de formation et mentionner dans l’objet de ses statuts cette nouvelle activité (à l’exclusion des CFA d’entreprise).
En se conformant au jeu de l’offre et de la demande, le CFA peut donc conclure une convention autorisant la dispense de tout ou partie des enseignements par des établissements d’enseignement, des organismes de formation ou encore des entreprises.
Dans le cas d’une convention conclue entre un CFA et un établissement d’enseignement, il peut être spécifiquement créé une Unité de formation par apprentissage (UFA) qui dispense une formation dont il garde la responsabilité pédagogique.
Les rapprochements CFA/GRETA : la pomme de discorde
Le Décret n° 2019-317 du 12 avril 2019 intègre l’apprentissage aux missions des GRETA.
Sur le terrain, les rectorats cherchent donc à rapprocher les deux structures (CFA et Greta) et tentent d’harmoniser les pratiques et les cadres d’exercice des personnels.
Ce qui pourrait sembler logique sur le papier est beaucoup plus compliqué en réalité. Puisqu’il s’agit essentiellement de rationaliser les coûts de formation, les grilles des formateurs sont fusionnées. Et c’est là que le bât blesse : les formateurs qui intervenaient sur la base de 648 h dans les CFA se voient proposer des grilles « GRETA » à 810 h par an sans aucune compensation salariale !
D’une académie à l’autre : le flou artistique
En l’absence de cadre précis, nous ne sommes pas étonnés de voir s’appliquer ces mesures de manière différente selon les académies. La plupart ont choisi le chemin du dialogue social et à l’instar de Nantes, ou d’autres, essaient même de limiter la casse pour les personnels. Certains rectorats font le choix du statu quo. S’ils sont louables, ces mécanismes (augmentation d’indice, application différée du texte) ne sont pas satisfaisants. Un tel fonctionnement décréterait in fine le règne de l’arbitraire.
Des académies comme Strasbourg se sont lancées tête baissée dans la stricte déclinaison du texte sans tenir compte de l’effet désastreux sur les personnels.
L’avis du SE-Unsa
Si le développement de l’apprentissage public commence à faire consensus, il ne peut se faire à n’importe quel prix. La loi ne peut entériner une telle libéralisation et doit garantir les droits des personnels en trouvant des mécanismes de régulation. Assouplir le dispositif de formation en apprentissage pour le rendre plus efficient, plus transparent et plus sécurisant pour les jeunes et pour les entreprises ne peut se faire au détriment des personnels. Ils mettent en œuvre l’exigeante pédagogie de l’alternance et sont les garants de la réussite des jeunes.
Le SE-Unsa se tient aux côtés des collègues et exige un texte de cadrage précis pour éviter l’iniquité, c’est ce qui a motivé notre courrier au ministère (en pièce jointe ci-dessous)
Nous demandons une compensation pour les formateurs CFA sur lesquels repose l’essentiel de l’effort demandé. Une pondération de leurs heures serait une solution de bon sens et juste.
À l’heure où les réformes s’empilent et où les personnels sont sollicités de toute part, le ministère doit considérer ses agents s’il veut avoir une chance de les associer au projet.