Orientation : le point à la rentrée 2019
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« Accompagner » est sans nul doute l’un des mots phares de la politique éducative actuelle. Le domaine de l’orientation n’y échappe pas : « L’accompagnement, essentiel pour une orientation progressive tout au long de la scolarité, est renforcé à tous les niveaux ». Les objectifs affichés sont les suivants : « élaborer progressivement son projet d’avenir grâce à un dialogue avec les élèves, les parents et les membres de l’équipe éducative », « mieux personnaliser le parcours », « valoriser toutes les formations, y compris l’apprentissage ». Rien de bien nouveau en somme. Encore faut-il s’entendre sur ce que signifie « accompagner » et sur les modalités de cet accompagnement : qui accompagne qui ? quand ? comment ?
Pour rappel
- rentrée 2018, nomination, dans les établissements, de RIPREE (Référents pour l'insertion professionnelle et la relation école entreprise)
- rentrée 2018, au lycée, mise en place d'un temps dédié à l’orientation en seconde générale et technologique (54h annuelles) ; organisation de deux semaines de l’orientation pour les terminales, auxquelles des élèves de seconde et de 1ère peuvent participer (l’une en novembre, l’autre en février) ; pour la 2ème année consécutive, nomination d'un second professeur principal en terminale
- depuis janvier 2019, dans le cadre de la « Loi pour la liberté de choisir son avenir », participation des régions à l’accompagnement à l’orientation (organisation de la diffusion et d’actions d'information sur les formations et les métiers)
- en 2019, mise en place du site et de l'application « Horizons 2021 », pour accompagner les élèves de seconde générale dans le choix des spécialités
Ce qui est prévu à la rentrée 2019
La circulaire du 10 octobre 2018 voit le rôle du professeur principal renforcé dans le domaine de l’accompagnement à l’orientation, pour tous les élèves du second degré : son action s’inscrit dans le parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel de l’élève (parcours Avenir) et il est chargé d’assurer, pour ses élèves, la coordination et le suivi des actions d’informations sur les formations et les métiers, en lien avec les équipes pédagogique et éducative, les familles, les représentants du supérieur, du monde économique et associatif.
Dans le même ordre d’idées, le rapport Charvet (« Refonder l’école »), mentionne à plusieurs reprises les notions d’« éducation à l’orientation », de « pédagogie de (l'aide à) l'orientation », par laquelle toutes les disciplines sont concernées. L'objectif est de développer chez les élèves une « aptitude à s'orienter » et une « culture d'orientation » : « l'heure est venue d'inscrire définitivement le corps enseignant (que le professeur soit principal ou non) parmi les acteurs légitimes de l'accompagnement à l'orientation » (p.76). Pour ce faire, un plan de formation à la pédagogie de l'orientation est préconisé, dans le cadre de la formation continue, mais d’ores et déjà, les Inspé (Institut national supérieur du professorat et de l'éducation, ex. Espé) intègrent, dès la rentrée 2019, la dimension de l'aide à l'orientation à la formation initiale des enseignants.
Tout en reconnaissant la nécessité de mieux former les enseignants (professeurs principaux ou non) à l’accompagnement à l’orientation et le rôle important qu’ils ont à jouer dans ce domaine, le SE-Unsa insiste sur le fait qu’ils ne peuvent pas être les seuls à échanger avec les adolescents et leur famille. Il est en effet indispensable qu’un professionnel, le PsyEN EDO (éducation, développement, orientation), non impliqué dans les enjeux de la relation pédagogique, au fait non seulement des ressorts de l'orientation mais aussi de la spécificité de la psychologie et du vécu adolescents, sachant mener un entretien de conseil et aider à la prise de décision, soit disponible pour tout collégien ou lycéen.
Au collège, mise en place d'un volume horaire annuel de 12h en 4ème et 36h en 3ème, « à titre indicatif, et selon les besoins des élèves et les modalités de l'accompagnement à l'orientation mises en place dans l'établissement » ; ces heures viennent s'ajouter aux 10 heures annuelles de vie de classe obligatoires pour chaque niveau.
Au lycée général et technologique, mise en place des 54h dédiées à l'orientation et de deux semaines de l'orientation pour les classes de 1ère (poursuite de l’exploration des secteurs professionnels et des domaines de formation, journées d’immersion dans l’enseignement supérieur, …) ; ce dispositif sera étendu aux terminales à la rentrée 2020.
Le SE-Unsa reste circonspect quant aux modalités de mise en œuvre des heures dédiées à l’orientation au collège et au lycée en partenariat avec les régions :
- pas de financement dans la dotation horaire des établissements
- pas de créneau prévu à l’emploi du temps des élèves
- pas ou peu de personnels compétents dans les régions pour assurer les missions qui leur sont dévolues.
Au lycée professionnel, l’accompagnement est également renforcé (192,5h réparties sur les deux années de CAP, 265h réparties sur les trois années de lycée professionnel) pour permettre aux élèves de consolider leurs apprentissages et bénéficier d’un accompagnement personnalisé. Un temps dédié à l’orientation, pour la construction du projet de l’élève ou de l’apprenti, doit être organisé sur ces volumes horaires. En classe de terminale professionnelle, les élèves s’inscrivent dans un module d’accompagnement à l’orientation en choisissant « Insertion professionnelle » ou « Poursuite d’études ». Enfin, mise en place de deux semaines de l'orientation (l’une en novembre, l’autre en février).
« Chaque région doit avoir conventionné avec les rectorats partenaires les modalités de leurs interventions respectives », sur trois axes – le monde professionnel, les formations, l'élaboration du projet d'orientation – avec une dimension croissante de la 4ème à la terminale.
Le SE-Unsa juge paradoxal que le ministre place l'orientation au cœur de la réforme des lycées et que dans le même temps il délègue aux régions, qui ne disposent pas des compétences nécessaires, une grande partie de l'accompagnement à l’orientation des élèves, réduisant peu ou prou les missions de l’Éducation nationale aux procédures et à la gestion des flux.
La réforme du lycée et ses choix plus progressifs et individualisés exigent un accompagnement de qualité et soutenu pour de nombreux élèves. Plus les parcours sont complexes, plus les initiés sont avantagés. L’objectif est d’éviter le renforcement de la reproduction sociale, de l’auto-censure et les choix contraints uniquement par les résultats scolaires.
Ce qui se dessine dans un avenir proche…
Une autre préconisation du rapport Charvet concerne l’accompagnement à l’orientation : la « formation de personnels référents volontaires ». Il s'agirait d'une « certification complémentaire d'accompagnateur et de formateur de l'éducation à l'orientation » pour les professeurs et d'une « habilitation » pour les CPE, donnant droit à une indemnité dédiée. Leurs missions : contribuer à la mise en œuvre des procédures d'orientation, d'affectation, mener des actions de formation auprès des équipes éducatives et d’information sur les métiers, les formations, les débouchés. L'idée est la suivante : constituer un vivier de professeurs et d'éducateurs référents au niveau local, académique et régional. Le professeur principal, dont le rôle de suivi personnalisé et de coordination du projet personnel de chaque élève est renforcé, resterait un généraliste de l'accompagnement à l'orientation ; le « référent » serait considéré comme un spécialiste.
Dans de telles perspectives, les missions des PsyEN EDO (par leur formation psychologues, spécialistes des problématiques adolescentes et de l’accompagnement à l’orientation) se resserreraient autour du conseil technique auprès du chef d'établissement, et de la formation des enseignants, reléguant ainsi au second plan, voire occultant leur statut de psychologue à part entière impliqué dans l'inclusion scolaire, la prise en charge des adolescents en souffrance et la persévérance scolaire.
Le SE-Unsa demande le recrutement de PsyEN EDO, à la hauteur des besoins, pour que ceux-ci puissent exercer toutes leurs missions (fixées par la circulaire du 28 avril 2017) et ne soient pas exclusivement des experts en ingénierie de l’orientation auprès des équipes. Il demande également au ministre de cesser de déstabiliser la profession des PsyEN EDO, notamment lorsqu’il envisage de supprimer leur lieu de travail collectif, le CIO.