Le ministre, le journaliste et le devoir d’information...

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Monsieur Blanquer était interviewé par le journal la Provence le 8 août. Dès le début de l'article, on comprend que l'objectivité du journaliste sera à prendre avec d'énormes pincettes...
 

Le décor est planté quand, à propos des solutions dont dispose Emmanuel Macron pour regagner en popularité, le journaliste écrit : "Et il a plusieurs atouts dans sa manche. En particulier le ministre de l'Éducation nationale que l'on attendait depuis longtemps : Jean-Michel Blanquer." L'on comprend encore mieux, d'où il parle lorsqu'il ajoute après avoir fait l'éloge du ministre "Jean-Michel Blanquer est décidé à tourner le dos à la politique de chien crevé au fil de l'eau, déprimante pour le corps enseignant, qui fut celle de tant de ses prédécesseurs, à l'exception de Xavier Darcos, issu comme lui de la "maison"". Comme si Darcos avait pu nous laisser un goût sucré, lui qui s'est ridiculisé sur un plateau télé en ne sachant pas faire ce qu'il exigeait de la part d'élèves de CM2, et qui a montré un dédain total vis à vis de la profession tout au long de son mandat.

Dans l'article, il est question de l'effort qui doit être porté sur le primaire. Certes les CP à 12 sont évoqués mais ce qui est dit pour la maternelle est tout simplement ridicule : "Nous interviendrons sur la formation des professeurs ; nous allons l’accentuer pour ceux qui se destinent à l’école maternelle pour tenir compte des progrès des sciences cognitives, indispensables pour aider les élèves les plus fragiles notamment. Nous soutiendrons aussi les innovations pédagogiques des professeurs." Ridicule est peut-être un peu fort, mais la proposition est tellement floue par rapport au concret des CP à 12. Rien n'est dit sur les effectifs des maternelles, sur la nécessité de la maîtrise de l'oral avant l'entrée dans l'écrit et la lecture.

Le ministre n'explique pas non plus clairement pourquoi l'école maternelle ne peut pas être obligatoire. Il botte en touche en disant que 98% des élèves de plus de trois ans sont scolarisés mais ne dit pas que si l'on rendait l'école obligatoire à partir de l'âge de trois ans, l'état, d'après la loi actuelle, serait également obligé de financer l'enseignement privé sous contrat. On imagine clairement qu'il ne tient pas à ranimer la guerre public/privé.

L'indemnité de 3 000 euros pour les professeurs mutés en REP+ montre, dans une certaine mesure, que monsieur Blanquer confond enseignant expérimenté et enseignant financièrement intéressé. Il ne dit rien sur les élèves hors REP, quant à la façon dont ceux en difficulté vont y apprendre ses fondamentaux "lire, écrire, compter, respecter autrui" (on peut être surpris de ne pas y voir "parler" ou "comprendre"). Il faut rappeler également que cette mesure remet entièrement en question l'organisation pédagogique de nombreuses écoles, obligeant parfois des collègues qui n'en ont pas fait la demande à travailler toute l'année dans la même classe, faute de place.

Lorsqu'il est question de mixité scolaire, la réponse du ministre montre qu'il n'a pas de réelle proposition à ce sujet. Il ne propose pas de déplacer des élèves en utilisant les services de transport des villes, de redéfinir la carte scolaire, de travailler avec d'autres ministères pour que les quartiers soient largement plus mixtes, tout n'est que frilosité.

A une personne travaillant avec des enfants ne parlant pas la langue ou non scolarisés et lui faisant la réflexion suivante : "en classe Upe2A, on est obligé de tricher, de faire comme s’il s’agissait de primo-arrivants pour qu’ils puissent bénéficier de ce dispositif pendant deux ans, relève-t-elle. Mais, quand on a 10, 14, 15 ans et qu’on rentre à l’école pour la toute première fois, deux ans ce n’est pas suffisant pour rattraper le retard", le ministre répond qu'il faut déjà se demander si ces enfants ont leur place sur le territoire, ce qui est d'une violence inouïe et montre un manque d'humanité certain. Heureusement, il dit juste après que tous les enfants sur le territoire français doivent pouvoir bénéficier d'une éducation, tout en laissant entendre que le tissu associatif doit être présent pour ceux qui sont le moins accompagnés. On peut donc espérer que le ministre ne sera pas celui de la coupe des subventions.

"L’inquiétude des parents qui ont le sentiment que l’école n’est pas capable de tenir compte de la spécificité de leur enfant", ne va pas aller en s'améliorant lorsqu'ils vont se rendre compte que les emplois aidés dont font partie les AESH sont appelés à presque disparaître.

Enfin, le ministre parle, pour appliquer ses réformes, d'innovation (sans réellement la définir), d'internat (sans en dire le nombre ni les conditions d'accès), de confiance (sans dire qui doit l'accorder à qui). Dans le livre de la jungle, il aurait été un parfait Kaa d'école "Ayez confffianceeee...."