La note d’alerte sur la mécompréhension en maths appelle une réponse sérieuse du ministère !
| popularité : 3%
Une note d’alerte du Conseil scientifique de l’Éducation nationale, publiée il y a quelques jours, met en lumière une inquiétante mécompréhension des nombres, en particulier des fractions, chez les élèves français à leur entrée en sixième.
La France est en retard en mathématiques
Les enquêtes internationales Pisa et Timms révèlent que la France est en retard en mathématiques, occupant la dernière place en Europe dans cette discipline.
Les résultats du test de la ligne numérique, mené sur près de 6 000 élèves, démontrent que la majorité des élèves ignorent le sens des fractions élémentaires. Seuls 22 % d’entre eux parviennent à placer correctement la fraction 1/2 sur une ligne graduée, tandis que 6 % réussissent à placer la fraction 3/6.
Les erreurs révèlent une confusion généralisée entre différents types de nombres, y compris entre fractions et décimaux, et les filles commettent plus d’erreurs que les garçons. De plus, aucune amélioration n’a été observée au cours des trois dernières années, soulignant la nécessité d’actions plus vigoureuses pour enseigner les nombres et les fractions au primaire.
Les solutions du CSEN
Face à cette problématique, les rédacteurs de la note proposent plusieurs recommandations pour restaurer la compréhension des nombres et des fractions. Elles incluent l’introduction précoce de concepts mathématiques de manière progressive et intuitive dès le CP, la manipulation d’ensembles concrets d’objets (par exemple la construction de cubes en papier de côté croissant : 0,5, 1, 2, 4 cm), la décomposition de formes géométriques, la mesure d’objets de différentes longueurs, et l’utilisation de métaphores comme la ligne numérique et les barres pour faciliter la compréhension des fractions.
Ces préconisations visent à corriger le déficit de compréhension qui persiste tout au long de la scolarité des élèves, en s’attaquant au problème dès les premières années de l’éducation.
En résumé, la note d’alerte du CSEN met en évidence l’urgence d’une action énergique pour améliorer le niveau en mathématiques des élèves français, en ciblant particulièrement la compréhension des nombres et des fractions dès le primaire.
La lecture de cette note appelle quelques remarques et critiques
- Cette note s’appuie sur une évaluation faite avec un échantillon représentatif et non à partir de l’évaluation nationale de 6e (à laquelle elle ne fait jamais référence). Cela tend à confirmer que les évaluations nationales ne sont pas pertinentes et fiables pour évaluer finement le niveau d’une cohorte d’élèves contrairement à ce qui est parfois mis en avant par le ministère.
- Les rédacteurs principaux de la note sont tous les trois des cognitivistes. On conçoit qu’ils soient compétents pour faire le constat et puissent avoir des pistes pour les préconisations mais ils ne sont ni didacticiens ni pédagogues, et cela est criant. La suggestion de faire construire aux élèves des cubes en papier de 0,5 cm en est un marqueur évident !
- Les préconisations ne s’appuient sur aucune référence précise à une recherche (c’est dommage) et ne renvoient pas vers les documents d’accompagnement qui existent pourtant. On trouve seulement un renvoi vers une vidéo de Fred (de C’est pas sorcier) avec Stanislas Dehaene, qui est assez… simpliste et propose une situation pédagogique très artificielle.
- Aucune suggestion n’est faite concernant la moindre réussite des filles pourtant pointée dans les constats.
- Les préconisations visent directement la pratique des enseignants et ne revient pas sur la mise en place très incomplète du plan mathématiques. Qu’en est-il par exemple des postes de conseillers pédagogiques en maths qui devraient exister dans chaque circonscription ? Où en est le déploiement des laboratoires de mathématiques dans les établissements scolaires ?...
- On a une focalisation sur la droite numérique, qui est très utilisée et pertinente, mais n’est pas non plus un outil unique et magique. Les élèves échouent à un exercice sur la ligne numérique, il faut donc davantage les entraîner à utiliser cet outil car la réussite aux exercices proposés serait un bon prédicteur de réussite en mathématiques. On tourne un peu en rond et un prédicteur n’est pas forcément une chose à travailler directement, il y a un gros risque de confusion entre corrélation et causalité.
- Enfin il est demandé d’introduire les concepts mathématiques plus tôt, de façon progressive et intuitive, et dans la vidéo, il est expliqué que l’intuition du positionnement est naturellement présente mais en partie trompeuse. Il faudrait vraiment clarifier ce qui est attendu avec cette histoire d’intuition qui semble intéressante mais peu opérationnelle en l’état.
Le SE-Unsa aimerait que cette alerte soit prise en compte avec tout le sérieux qu’elle mérite et l’aide de spécialistes des mathématiques. Le ministère doit prendre ses responsabilités, évaluer son plan mathématiques, améliorer la formation et l’accompagnement des enseignants.
Une note d’alerte avec des constats suivis de « yakafokon » à destination des enseignants ne saurait suffire et n’est pas un gage de sérieux !