Harcèlement : un décret qui ne permet pas tout
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Le décret du 16 août 2023 sur le harcèlement scolaire est souvent présenté comme LA réponse de l’institution aux problèmes de harcèlement dans le 1er, comme dans le 2d degré. Or, s’il faut convenir qu’il apporte quelques réponses, il ne règlera pas tout.
Le dialogue et la pédagogie comme première entrée
Ce décret le rappelle, la première entrée pour régler un problème de harcèlement reste le dialogue avec les élèves concernés (victime, auteur(s), témoins) et leur famille. C’est comme ça que la plupart des situations se règlent déjà, et rien ne changera de ce point de vue. Quand le dialogue et la pédagogie auront échoué, d’autres mesures sont envisageables (déplacements, sanctions disciplinaires).
Changer un élève harceleur d’école : ni obligatoire, ni automatique
Le décret, s’il reprend une définition proche de celle du harcèlement, ne spécifie pas directement le harcèlement. Le mot n’y est jamais écrit concernant le 1er degré. La formulation peut concerner des situations de harcèlement mais elle pourrait aussi très bien s’appliquer à des élèves ayant des troubles du comportement qui n’agissent pas comme harceleurs. Le SE-Unsa a tenté, en vain, de faire modifier cette partie de décret. Nous sommes inquiets des possibles dérives à l’encontre des élèves à besoins éducatifs particuliers qui pourraient être des victimes collatérales de ce texte.
Le déplacement, dorénavant possible, d’une école à une autre d’un élève harceleur sans l’accord des parents, ne sera que la mesure ultime d’un processus pédagogique et éducatif. Cette disposition ne sera ni obligatoire, ni automatique. Pour ce faire, il faudra que le Dasen le décide, en concertation avec l’équipe pédagogique de l’école, et que le maire l’accepte. La difficulté viendra des situations où l’élève devra être scolarisé dans une autre commune, le maire d’accueil sera sûrement peu enclin à accepter un élève harceleur dans une de ses écoles. De fait, cette situation crée une rupture d’égalité entre des élèves scolarisés dans des communes à plusieurs écoles où un seul maire sera décisionnaire et ceux scolarisés dans des communes à école unique où un deuxième maire pourra bloquer la décision du Dasen.
Une suspension de l’accès à l’école, à titre conservatoire en attendant le changement d’école, d’une durée maximale de 5 jours, est aussi instituée par ce décret.
Des sanctions disciplinaires… que dans le 2d degré
Ce décret ne change rien au régime des sanctions disciplinaires dans le 1er et le 2d degré. Dans les collèges et lycées, le recours au conseil de discipline est élargi. Dorénavant, un chef d’établissement pourra convoquer un conseil de discipline pour un élève de son établissement qui aura commis des faits de harcèlement scolaire sur un élève d’un autre établissement. C’est une réponse de plus à disposition des établissements mais qui sera sûrement difficile à mettre en œuvre concrètement. Pour constituer un dossier de conseil de discipline il faut des faits constatés. Or, dans les cas prévus par le décret, il s’agira essentiellement de cyberharcèlement puisque le harcèlement n’aura pas lieu dans l’établissement de l’élève en passe d’être sanctionné. Il sera bien difficile pour le chef d’établissement d’apporter les preuves attendues, en dehors de celles d’une enquête de police judiciaire.
Dans le premier degré, la procédure de changement d’école ou la suspension de l’accès à l’école à titre conservatoire ne sont pas des sanctions disciplinaires.
L’avis du SE-Unsa
Pour le SE-Unsa, ce texte propose deux nouvelles possibilités aux équipe éducatives des écoles, des collèges et des lycées qui pourraient être une réponse à de réelles difficultés.
Cependant, ce décret prévoit des dispositions qui seront souvent difficiles à appliquer, sans oublier ni le risque sur les élèves à besoins éducatifs particuliers ni son caractère inégalitaire dans le 1er degré.
Le défaut majeur de ce décret est bien de lui donner une importance qu’il n’a pas, aux yeux des familles et des personnels. Il est un outil mais pas l’outil miracle que d’aucuns pourraient attendre.