Éducation morale et civique : 1 pas en avant… 3 pas en arrière ?
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Le rapport du Sénat sur la redynamisation de la culture citoyenne, publié le 7 juin dernier, préconise un recentrage du contenu et des objectifs de l’EMC sur des priorités claires, et plus particulièrement le fonctionnement des institutions. Sans nier l’importance d’apporter effectivement des connaissances, cela nous semble tout à fait partiel et insuffisant.
La citoyenneté au quotidien dans la classe
Avant d’accéder à la citoyenneté en actes, c’est-à-dire à la possibilité de participer réellement à la vie publique, l’élève doit pouvoir, dès la maternelle et l’élémentaire, commencer à participer à la vie de sa classe et de son école. Cette participation à la vie publique dès les premières années doit pouvoir également se poursuivre au collège et au lycée. Cela ne se fait pas en premier lieu et uniquement via des connaissances sur le fonctionnement de nos instances démocratiques.
Dans les programmes de l’école maternelle de 2021 il est clairement indiqué : Les enfants apprennent à repérer les rôles des différents adultes, la fonction des différents espaces dans la classe, dans l’école et les règles qui s’y rattachent. Ils sont consultés sur certaines décisions les concernant et découvrent ainsi les fondements du débat collectif. L’école maternelle assure ainsi une première acquisition des principes de la vie en société.
Les questions de vivre ensemble qui, selon les rédacteurs du rapport auraient dénaturé l’éducation civique classique, sont au cœur de ce que l’École doit transmettre. La tension entre aspirations individuelles et nécessaires contraintes de la vie en société est bien ce qu’il faut apprendre à gérer.
Cela suppose de savoir identifier ses besoins, de pouvoir les exprimer, d’entendre ceux des autres et d’expérimenter en contexte réel comment tout cela peut donner lieu à des règles et à des décisions permettant une vie commune aussi satisfaisante que possible pour chacun et pour le groupe.
Se connaître, s’exprimer, coopérer, débattre, argumenter, décider, mettre en œuvre, réguler… sont des compétences à développer. Elles ne peuvent s’acquérir et se développer qu’en le vivant, en l’expérimentant.
Quelle ambition dans les programmes ?
Les programmes d’EMC de 2015, bien qu’imparfaits et améliorables, portaient cette ambition avec de nombreuses pistes de travail intéressantes, notamment sur l’expression citoyenne des élèves, la pratique du débat, la notion de formation du jugement et une réflexion sur l’engagement. De nombreuses activités très concrètes étaient suggérées dans une colonne intitulée Exemples de pratiques en classe, à l’école, dans l’établissement parmi lesquelles : les conseils d’élèves, les messages clairs, l’élaboration des règles de la vie de la classe, les discussions à visée philosophique, les débats réglés, la clarification des valeurs…
Ces suggestions ont permis à de nombreux enseignants de se lancer dans des pratiques actives engageant les élèves mais il ont été freinés dès 2018 par l’arrivée d’ajustements vidant ces programmes de leur sens en supprimant notamment toutes ces activités concrètes, car il fallait déjà, selon le ministère, renforcer la maîtrise et la consolidation des savoirs fondamentaux, en particulier le respect d’autrui.
Quant à l’EMC en collège et en lycée, la portion congrue qui lui est dévolue dans les emplois du temps ne peut permettre aux élèves de mettre en pratique la vie démocratique grâce à l’organisation de débats et d’échanges qui leur permettraient de confronter les avis et exercer leur esprit critique.
De plus, la culture citoyenne passe aussi par l’engagement. Or, tous les élèves ne peuvent exercer la fonction de délégué de classe ou élus aux conseils de la vie collégienne, conseils de la vie lycéenne ou conseils d’administration. Il est donc essentiel de laisser davantage de temps et d’espaces aux élèves et aux équipes pédagogiques, pour que tous les élèves puissent participer à l’exercice démocratique.
L’avis du SE-Unsa
Pour le SE-Unsa, les préconisations de ce rapport en faveur d’un recentrage sur les contenus à enseigner montrent une méconnaissance totale du terrain et de ce qui motive les élèves. Cela ne pourra que décourager les projets qui existent encore en réduisant davantage l’espace de temps où ils pouvaient se glisser.
Les sénateurs qui ont rédigé ce rapport sont passés complètement à côté de la nécessité de cette construction progressive et très concrète, qui doit s’incarner dès le primaire, des compétences citoyennes.
Si les enfants expérimentent à l’école le fait que leur parole, leurs avis, leurs choix sont sollicités et pris en compte, nous faisons le pari que cela ne pourra que les inciter plus tard à voter et à s’impliquer dans une vie citoyenne riche.