École pour tous : le rapport de la Cour des comptes est explosif

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Dans son rapport publié le 16 septembre, la Cour des comptes a examiné en détail la politique scolaire handicap. Pour elle, les résultats de la politique menée par le ministère de l’Éducation nationale ne sont pas à la hauteur de la dépense. Le SE-Unsa, qui a été auditionné, partage cet avis.
 
 
Un bilan contrasté
 
La Cour des comptes constate que l’Éducation nationale a largement accueilli les élèves en situation de handicap, mais que des améliorations sont encore nécessaires pour optimiser leur suivi et leur prise en charge. 
 
Le système d’inclusion scolaire français peut-il être jugé efficace et performant ? La Cour dresse un bilan contrasté soulignant la pertinence et la cohérence de la politique, mais aussi ses faiblesses dans la mise en œuvreIl reste d’importantes marges de progrès, affirme Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes.
 
Pour la Cour, le système scolaire s’est adapté pour répondre à l’objectif d’inclusion des élèves en situation de handicap et la réussite quantitative est indéniable. Le nombre d’élèves en situation de handicap a triplé de 2006 à 2022.
 
Cependant, la politique nationale d’inclusion scolaire ne répond pas de manière équitable aux besoins des élèves en matière d’efficacité et de couverture des besoins. La Cour émet aussi des réserves en ce qui concerne les résultats obtenus en matière de réussite scolaire, sociale et professionnelle. Autre critique, récurrente : le manque de coordination entre l’Éducation nationale et la MDPH, articulation pourtant impérative pour la mise en œuvre de la politique publique à l’échelle d’un territoire. Il faut développer les coopérations entre le milieu scolaire, le secteur médico-social et les acteurs libéraux en développant une culture commune de travail, un cadre juridique et les formations croisées.
 
De leur côté, les familles rencontrées ont unanimement qualifié la scolarisation de leurs enfants de « parcours du combattant », relève la juridiction financière.
 De nombreux élèves handicapés connaissent des parcours discontinus qui sont sources de sentiments de mal-être et d’incertitudes sur leur avenir.
 
 
Des données budgétaires insuffisantes
 
La Cour rappelle que toute politique publique nécessite des outils pour suivre les résultats et les coûts, d’autant plus que les dépenses liées à l’École inclusive ont connu une croissance soutenue. En parallèle de cette augmentation des dépenses, la Cour note que les lois concernant l’inclusion scolaire, telles que celles issues de la Conférence nationale du handicap (CNH) ou le transfert à l’État de la prise en charge financière des AESH pendant la pause méridienne, semblent ne pas avoir été accompagnées de prévisions budgétaires anticipées.
 
En plus de l’absence de préoccupation pour la maîtrise des financements, la Cour des comptes souligne également que les données budgétaires sont incomplètes car elles n’incluent pas l’ensemble des ressources financières. Il n’y a pas de prise en compte des coûts indirects de gestion, ni des contributions des collectivités territoriales, qu’elles soient obligatoires ou facultatives (aménagement des établissements, transport scolaire des ESH, équipements numériques...).
 
 
Des données statistiques insuffisantes et inadaptées
 
Les données financières ne sont pas les seules à être insuffisantes : la Cour des comptes déplore aussi que les statistiques sur les élèves et les intervenants éducatifs détenues par le ministère de l’Éducation nationale soient incomplètes et inadaptées.
 
Une autre limite relevée concerne le suivi statistique du ministère de l’Éducation nationale : il persiste un manque de visibilité à propos des personnes d’âge scolaire qui ne sont pas scolarisés.
 
Concernant le personnel, la Cour estime également que des améliorations sont nécessaires pour obtenir un décompte précis, le ministère n’ayant pas une vision consolidée à ce sujet.
 
 
Une politique d’inclusion scolaire difficile à juger 
 
La Cour note un décalage entre la perception de l’inclusion scolaire et ses objectifs. Bien que l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap ait modifié la perception du handicap dans les établissements, l’adhésion de la communauté éducative à cette politique, déterminante pour la réussite de l’inclusion, n’est pas régulièrement mesurée.
 
Elle souligne qu’il reste des défis à relever pour sensibiliser et former les acteurs à l’inclusion scolaire, afin d’améliorer l’efficacité de cette politique. La Cour voit dans les projets d’écoles et d’établissements des leviers potentiellement efficaces pour renforcer l’adhésion de la communauté scolaire aux valeurs et objectifs de l’École inclusive. 
 
En conclusion, la Cour estime qu’il est difficile de se prononcer sur les performances du modèle français d’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap.
 
 
L’avis du SE-Unsa 
 
Le SE-Unsa porte le projet d’une École pour tous et toutes, et partage certaines constatations du rapport ; il alerte depuis longtemps sur les difficultés multiples posées par l’École pour tous
 
Pour le SE-Unsa, il faut repenser rapidement les contenus, démarches et évaluations afin de permettre les apprentissages de tous. Il ne peut y avoir une réponse uniforme ni une multiplication des dispositifs pour des publics ciblés.
Les écoles et établissements scolaires ne peuvent pas répondre seuls à l’ensemble des problématiques de l’École pour tous.
L’État doit garantir le droit à compensation et mettre en œuvre rapidement les décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes en situation de handicap (CDAPH), et doit garantir l’équité de traitement sur l’ensemble du territoire. 
 
Le SE-Unsa exige des personnels, enseignants spécialisés, en nombre suffisant pour apporter des réponses rapides et de qualité.
 
Le SE-Unsa revendique l’augmentation des capacités d’accueil en interne dans les structures spécialisées d’accueil adaptées aux handicaps des élèves ainsi que dans les dispositifs spécialisés intégrés dans les écoles et établissements scolaires.