Avec le FN, on est loin de l’école du peuple

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Créé en 2013, le Collectif Racine vise à rallier les enseignants au Front National. Après avoir donné des consignes de vote aux élections professionnelles 2014 (en appelant à voter pour FO et le Snalc), ce collectif vient de faire 100 propositions à la candidate Marine Le Pen. Le SE-Unsa observe que le mot « penser » n’y figure pas…


Une extrême droite banale et paresseuse 
 
Dans ce manifeste, toutes les figures imposées de l’extrême droite sont présentes. Sans surprise, le totem autoritaire côtoie le tabou pédagogique.
 
L’apprentissage de la lecture se conjugue à l’autorité du maître, forcément à réaffirmer. Le collège unique est honni pour ne pas mélanger les torchons et les serviettes… On veut recruter des professeurs de « droit et civisme », une nouvelle discipline destinée à remplacer la philo (pourtant réduite) en voie professionnelle.
 
Le prévisible « retour aux fondamentaux » est la solution à tout, accompagné par 3 heures de latin rendues obligatoires « pour les 4è et 3è se déterminant vers la poursuite d’études longues ». En histoire, le roman national va « forger l’appartenance à la nation, pour orienter la conduite ». Tout un programme.
 
La traditionnelle proposition des droites, dites fortes, de supprimer les allocations familiales aux parents des élèves absentéistes, est naturellement présente. Pourtant, ce dispositif mis en place sous le quinquennat précédent a fait preuve de sa totale inefficacité.

 
Le tabou pédagogique
 
Pour énerver l’extrême droite, parlons pédagogie.
 
Selon le Collectif Racine, il faudrait supprimer le conseil pédagogique au collège et abolir la « logique des cycles et des compétences ». Ou encore supprimer les Espé et le Conseil supérieur des programmes, ainsi que « les épreuves de mise en situation pédagogique, à la fois artificielles et idéologiques, des concours de recrutement, en recentrant l’ensemble des épreuves des concours sur les exigences et la maîtrise des savoirs disciplinaires. » Et de revendiquer « le cours magistral à tous les niveaux dans toutes les disciplines », la méthode syllabique et la notation chiffrée, mais aussi la proscription des « pseudo-enseignements ludiques qui, s’ils peuvent avoir quelque vertu éducative, n’en ont aucun en termes d’instruction ».
 
La belle affaire… mais pourquoi ? Difficile de comprendre cette haine pédagogique séculaire, qu’éprouvent l’extrême droite et ses lieutenants brevetés en conservatisme, tel Jean-Paul Brighelli et consorts. 

Pour le SE-UNSA, une explication est à rechercher dans le sens qui est donné à l’éducation. Alors que nous militons pour une éducation émancipatrice, libératrice qui donne à penser, d’autres préfèreraient une éducation synonyme d’obéissance et de soumission.

Ainsi, les pédagogies actives qui interrogent le réel, produisent du commun et forgent les consciences relèvent-elles d’un choix politique qui n’a jamais été celui des conservateurs, qui veulent un entre-soi scolaire élitiste, à l’abri de toute contamination sociale et culturelle.
 
Ces choix ne relèvent pas simplement de l’école, ce sont des choix de société qui doivent être énoncés comme tels aux électeurs, particulièrement à l’orée de la campagne présidentielle, où l’école sera placée au centre d’intérêts qui la dépassent.

 
Des positions liées à l’actualité qui confortent les inégalités
 
Farouchement opposé à la réforme des rythmes scolaires à l’occasion de sa mise en place, que propose l’extrême droite aujourd’hui ?
 
Principale proposition : supprimer les TAP. Ce n’est pas la proposition la plus courageuse du programme puisque leur mise en place n’a jamais été obligatoire. Ainsi, selon le Collectif Racine, les TAP, qui fatigueraient les élèves, devraient être remplacés par des études dirigées qui, elles et c’est bien connu, ne fatigueraient personne.

Enfin, une grande consultation nationale serait mise en place afin de trouver le meilleur rythme d’apprentissage des élèves, sans pénaliser l’industrie touristique. Bref, la baudruche se dégonfle au rythme… de l’actualité.
 
Quant à la réforme du collège, il faut évidemment l’abroger, en même temps que toute la loi de refondation, et rétablir l'orientation dès la 5ème.
 
Ainsi le Collectif Racine déploie-t-il ses solutions paresseuses : quoi de plus simple que le tri des élèves, surtout précoce, quand les éduquer est difficile ? Au lieu d’une école inclusive, bienveillante et progressiste, il propose la sélection à tous les étages avec des examens d’entrées en 6ème et à l’université, l’apprentissage à 14 ans.

Le SE-Unsa observe que la sélection s’opère déjà avec des inégalités croissantes dans notre système scolaire. Face à ces inégalités, deux camps se distinguent : ceux qui veulent les réduire et ceux qui veulent les cacher, comme le préconise la proposition visant à rendre l’uniforme obligatoire au primaire, qui est une manière de mettre la poussière sous le tapis. Pour le SE-Unsa, les inégalités, ça se combat.
 
 
Une laïcité en peau de lapin

L’ambition laïque est l’essence du SE-Unsa. Depuis quelques années, ce principe constitutionnel est dévoyé par certains. La question actuelle demande réflexion :  « est-ce qu’on se sert de la laïcité pour que les gens se sentent français ou s’en sert-on pour qu’ils se sentent étrangers ? »
 
Le Collectif Racine est bien timide sur ce sujet. Tout au plus demande-t-il l'extension à l'université de la loi de 2004 sur les signes religieux ostensibles à l'école, en omettant de poser le problème de l’Alsace-Moselle et de tous les territoires français bénéficiant d’un statut d’exception.
 
De même, une proposition vague vise à conserver « les spécificités » de l’enseignement privé. Position classique de l’extrême droite, qui a défilé avec l’épiscopat à l’occasion de la manif pour tous notamment.
 
Pour le SE-UNSA, le financement des écoles privées n’a plus guère de justification sociale et scolaire. Cela aboutit à des phénomènes d’apartheid qui sont autant de dettes envers la jeunesse.

Comment expliquer que la France finance la concurrence à son propre service public, si ce n’est pour des raisons honteuses ou assumées de ségrégation ?
 
L’école du Collectif Racine, c’est une centrifugeuse sociale, destinée à séparer le jus de la pulpe. Quel paradoxe ! L’extrême droite s’adresse actuellement au peuple pour dénoncer les élites, sauf pour l’école, où la pulpe restera, avec ce programme, dans son jus.