Vents contraires pour la laïcité

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La neutralité de l’État envers les associations religieuses est battue en brèche par une série de déclarations et de décisions du président de la République et du gouvernement.


Opération séduction envers les cultes

Depuis le début de son quinquennat, le président de la République essaie de s’attirer les faveurs des cultes en les flattant à l’occasion d’allocutions prononcées devant des protestants, des musulmans, des juifs et des catholiques. Le SE-Unsa a particulièrement regretté que le président explique devant la conférence des évêques de France que « le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe […] de le réparer ».

Cependant, dans un pays où 63 % des habitants se déclarent sans religion, son grand discours sur la laïcité destiné à l’ensemble des Français, n’a jamais eu lieu.

Bien sûr, cet intérêt pour les représentants des cultes n’est pas dénué d’intérêts électoraux : le président de la République sait qu’à l’occasion du second tour de la dernière élection présidentielle, les évêques n’ont pas « appelé à voter pour l’un ou l’autre candidat ». Il tente de reconquérir cet électorat.

Toutefois, il ne faudrait pas que cette accumulation d’attentions adressées aux religieux ne conduise les agnostiques, athées ou indifférents, à se percevoir comme des citoyens de seconde zone.


Un chanoine à l’Élysée

Héritée du temps d’Henri IV, l’élévation au rang de chanoine du Latran, accordée par le Vatican aux rois de France puis aux présidents de la République française, a été récemment acceptée par Emmanuel Macron. Ce titre se célèbre avec chants, « Notre-père » en latin et procession dans la basilique Saint-Jean-de-Latran de Rome.

Au-delà de l’aspect folklorique de l’épisode, nous considérons que le président de la République, doit en tout lieu, représenter la communauté nationale dans sa diversité. Or, en acceptant cette distinction et en participant activement à sa réception, il ne répond pas au devoir de neutralité exigé par sa fonction. Il est grand temps que l’on s’adresse enfin à des citoyens, indépendamment de ses convictions personnelles.


Lobby or not lobby ?

En 2016, la loi Sapin II actait l'inscription des associations cultuelles dans la liste des représentants d'intérêts. En effet, dans leurs contacts avec les députés, les représentants d’intérêts doivent indiquer leur identité, l’organisme pour lequel ils travaillent et les intérêts qu’ils représentent.

Mais les députés sont revenus sur cette mesure mardi soir à la demande du gouvernement, malgré une opposition au sein de la majorité. La loi dite « pour une société de confiance », Loi ESSoC, est passée en deuxième lecture ce mardi 26 juin 2018 à l’Assemblée nationale, avec des cavaliers législatifs permettant aux organisations religieuses de sortir de cette liste des « représentants d’intérêts ». Pourtant, leur capacité d’influence ne doit pas échapper au droit commun imposé à l’ensemble des « représentants d’intérêts » comme les entreprises, ONG, syndicats et associations. Hélas, ces dispositions ont été adoptées.

Cette mauvaise nouvelle s’inscrit dans un calendrier législatif qui aura bientôt à traiter des questions bioéthiques comme la PMA et la fin de vie. Sur ces sujets sensibles, nul doute que dans un cadre désormais moins contraignant, les organisations religieuses pèseront plus lourdement sur les décisions. La leçon de l’épisode du « Mariage pour tous » a-t-elle été oubliée ?


L’avis du SE-Unsa

Pour le SE-Unsa, notre société a avant tout besoin de rassemblement, d’apaisement et d’unité face au risque de fragmentation et d’atomisation. Il appartient à nos gouvernants de cultiver ce qui nous rassemble, en conjuguant diversité et valeurs universelles.

Le SE-Unsa constate l’immense attachement des Français au principe de laïcité et à l’émancipation de chaque citoyen. Alors, le président de la République et le gouvernement doivent assurer leur liberté de conscience, en tenant la religion à distance des affaires de la Cité.