Loi École de la confiance au Sénat (épisode 5)
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Le Sénat a achevé l’examen en séance publique du projet de loi pour une école de la confiance vendredi 17 mai en soirée. Malgré le retrait des EPLESF, le texte qui sera soumis au vote solennel du Sénat mardi 21 mai présente des dispositions inacceptables, en particulier pour les enseignants. Il ne peut pas rester en l’état.
Des expérimentations sans garde-fous
La majorité du Sénat a rejeté tous les amendements des sénateurs de gauche qui cherchaient à garantir l’adhésion des équipes pédagogiques et l’obligation de respecter les obligations réglementaires de service des enseignants. C’est donc une version aggravée de l’article 8 qui sera soumise aux travaux de la Commission mixte paritaire.
Le Conseil d’évaluation de l’École remplace le Cnesco
C’est une affaire qui semble entendue. Même si de nombreux sénateurs ont défendu l’intérêt des travaux et de la démarche du Cnesco, celui-ci laissera la place au Conseil d’évaluation de l’Ecole. Le ministre s’est engagé au Sénat à faire du Cnesco une chaire « académique dotée de moyens importants » dont l’indépendance serait, selon lui, ainsi totalement assurée. On attend depuis des mois des informations consolidées sur les moyens en question.
Et quoiqu’il en soit, les travaux d’une chaire universitaire n’auront jamais le même retentissement que ceux d’un Conseil placé au cœur des institutions. Le ministre a répété qu’il voulait « assurer une évaluation « micro » du système scolaire, établissement par établissement ». Le Sénat a confirmé en séance publique les modifications apportées en commission au Conseil d’évaluation de l’École mais son indépendance restera toute relative. Par exemple, il ne pourra toujours pas réaliser ses propres évaluations.
Le Sénat valide les INSPE
Le Sénat n’a apporté aucune modification aux principales dispositions concernant les futurs INSPE. Choix des directeurs par les ministres sans avis des équipes et référentiel de formation imposé par les ministres restent dans le texte. Les sénateurs y ont ajouté une liste de questions qui devront obligatoirement être abordées au cours de la formation (numérique, école inclusive, enjeux environnementaux, plurilinguisme, enfants allophones).
Quant à la formation continuée, elle devra préparer à « la spécificité des territoires d’exercice ». À noter qu’un amendement a été adopté avec l’avis favorable du ministre pour éviter le recours aux assistants d’éducation en préprofessionnalisation pour effectuer des remplacements en responsabilité dans la classe.
Tentative de coup de force sur les statuts
La majorité LR, prompte à dénoncer le manque de concertation du gouvernement avec les parties concernées quand ça l’arrange (EPLESF, compensation du coût de l’instruction obligatoire à trois ans), juge paradoxalement qu’il n’y a aucune nécessité à négocier avec les personnels quant il s’agit de modifier en profondeur les règles statutaires qui régissent leurs obligations de service et la manière dont ils sont évalués ou affectés !
Ainsi contre l’avis du ministre qui a demandé du temps pour le dialogue social en faisant référence aux transformations en cours avec la loi « Fonction publique », ils ont adopté plusieurs amendements qui constituent de véritables « chiffons rouges » pour les enseignants :
- autorité des directeurs d’école sur les professeurs des écoles et participation à leur évaluation,
- formation continue obligatoire en priorité en dehors du service d’enseignement,
- participation des chefs d’établissement au recrutement de leurs personnels d’enseignement et d’éducation,
- création d’un contrat de mission à durée limitée sur des postes peu attractifs.
- dérogation aux dispositions statutaires pour l’affectation dans des zones défavorisées.
Et maintenant ?
La version post-sénat du projet de loi est très différente de la version post-assemblée. La Commission mixte paritaire qui sera mise en place après les élections européennes aura pour objectif de parvenir à une rédaction commune. La tâche paraît quasiment impossible mais le gouvernement pourrait être tenté de pousser la majorité LREM à l’Assemblée à céder sur de nombreux points pour éviter le retour du projet de loi en deuxième lecture, ce qui allongerait de plusieurs mois les travaux et compromettrait sa mise en œuvre à la rentrée 2019.
Ainsi, même si le ministre a émis un avis défavorable sur toutes les modifications statutaires ajoutées par le Sénat, nous ne sommes pas assurés qu’elles disparaissent totalement.
Le SE-Unsa poursuit sa mobilisation et son travail d’ intervention auprès des parlementaires pour alerter sur toutes les dispositions dangereuses du projet de loi tel qu’il se présente après les travaux du Sénat, celles qui concernent directement les personnels mais aussi toutes celles qui sont contraires à l’objectif de réduction des inégalités sociales de réussite scolaire (suppression des allocations familiales en cas d’abstentéisme, EPLEI, financement public des maternelles privées, pérennisation des jardins d’enfants,…). Cette mobilisation a été payante sur les EPLESF. Elle reste plus que jamais indispensable.
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