Service national universel : progrès ou gadget ?

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Le service national universel (SNU) était un élément du programme sur lequel a été élu le président de la République. Au-delà d’une certaine nostalgie d’un service national largement idéalisé, ce dispositif tire sa légitimité du constat d’archipellisation de la jeunesse française en groupes distincts plus ou moins étanches. Sans doute, ce morcellement de la jeunesse grève la cohésion nationale et explique sur le long terme les fractures qui fragilisent notre société.
 
Ainsi, le service national universel s’adresse à tous les jeunes âgés de 15 à 16 ans durant l’année qui suit la classe de 3e. Il comporte obligatoirement une phase de cohésion de deux semaines et une mission d’intérêt général de deux semaines également. Chaque jeune (jusqu’à 25 ans) peut ensuite poursuivre une période d’engagement facultative de trois mois minimum dans le département de son choix. Ses objectifs affichés sont  « transmettre le goût de l'engagement », « raffermir le creuset républicain » et « favoriser le brassage social et territorial ».
 
La première phase de mise en œuvre a été réalisée en 2019 ; 3000 jeunes ont été accueillis dans 13 départements. Le bilan est très mitigé.  40 % des inscrits ont un parent exerçant dans le monde de la sécurité et de la protection (armée, police, sécurité publique) : difficile de tirer un bilan avec un échantillon si peu représentatif de la jeunesse. En outre, la forte tonalité militaire, avec des images de salut au drapeau, ou de visionnage de matchs au garde à vous, ont interrogé des adolescents et des parents qui ont une autre idée du « goût de l’engagement » et du « raffermissement du creuset républicain ».
 
Ainsi, la généralisation aux 800 000 personnes issues de la même classe d’âge demeure un horizon lointain. Pour cela, la constitution devra être amendée de manière à créer cette nouvelle obligation pour des mineurs, et un cadre légal devra être établi pour proposer un environnement laïque à tous les jeunes, notamment pour ceux qui en ont été privés (élèves enseignés à domicile,  dans des écoles privées sous-contrat ou hors contrat, dans lesquelles la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école ne s’applique pas). Ce serait l’occasion pour les « appelés » de partager une  expérience authentiquement républicaine.
 
Pour le SE-Unsa, il est important que la jeunesse française trouve des lieux pour faire l’expérience de la fraternité dans la différence ; pour cela, il faut favoriser la mixité sociale à l’École. Sur ce sujet, l’École publique subit la forte concurrence de l’enseignement privé, financé par l’État et dont le montant global demeure inconnu (1).

La séparation scolaire des enfants et des adolescents sur des critères religieux, mais surtout sur des critères sociaux pèse sur notre avenir commun. Comment croire qu’un service national de quelques semaines et qui connaîtra bien des difficultés à devenir universel, pourra réussir là où l’École a été empêchée ? Les sommes engagées (1,7 milliard d'euros par an à terme) seraient mieux employées pour consolider le lien entre l’Éducation nationale et l’éducation populaire, lutter contre la pauvreté qui pénalise les destins scolaires pour développer l’aide sociale à l’enfance et la protection de la jeunesse.
 

(1) Voir notre article : le CNAL demande à la cour des comptes l’évaluation du financement public de l’enseignement privé https://ecoleetsociete.se-unsa.org/le-CNAL-demande-a-la-Cour-des-comptes-d-evaluer-le-financement-public-de-l