Lutte contre le harcèlement à l’école : une vidéo qui dérange

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Le ministère de l’Éducation nationale vient de mettre en ligne une vidéo pour accompagner la première journée nationale « Non au harcèlement » le jeudi 5 novembre.

Si la démarche est utile et nécessaire (700 000 élèves, de l’école au lycée, sont victimes de harcèlement chaque année), l’émoi suscité par cette diffusion nécessite un décryptage.

Oui, cette vidéo présente une enseignante de primaire très caricaturale. Oui, elle est pour le moins maladroite dans un contexte de défiance des enseignants vis-à-vis de leur ministre et alors que cette vidéo va être diffusée au cinéma et à la télévision. L’histoire ne dit pas si des enseignants ont été associés à sa réalisation. En leur présence, la représentation de l’enseignante aurait sans doute été plus nuancée : elle n’aurait pas crié, elle n’aurait pas tourné en permanence le dos à la classe …

Mais plutôt que de sommer la ministre de la retirer, ne peut-on pas regarder cette vidéo en se mettant à la place du public à qui elle est destinée, c’est-à-dire les élèves ?

On verra alors que la situation décrite est symbolique et qu’elle essaie de décrire ce que peuvent percevoir des enfants, en situation de harcelé comme de harceleur.

Ainsi, le choix d’un enfant aux cheveux roux est emblématique. Les personnes à la chevelure rousse sont souvent sujettes à des moqueries (« poil de carotte », « carotte » pour les plus gentilles). C’est donc le modèle archétypal de l’élève victime de harcèlement.

L’élève harcelé est bombardé de projectiles qui restent collés à lui, en classe lorsque la maîtresse se retourne ou lorsqu’il sort dans le couloir, comme s’il portait les stigmates de son agression. Et la maîtresse ne le verrait pas ? Cette situation n’est donc pas réaliste.

Il convient de considérer la maîtresse telle qu’elle pourrait être perçue par un élève qui souffre de ne pas voir son calvaire reconnu. Nous savons tous qu’il est difficile pour un élève de venir se confier. Comme il est difficile pour un enseignant de discerner les raisons qui se cachent derrière le silence, l’abattement, le refus d’implication scolaire, ce qui est parfois source de mauvaise conscience. Qui peut en effet affirmer qu’il a immédiatement perçu et solutionné une situation de harcèlement ?

En sortant de la classe, ce n’est pas la maîtresse qui prend en charge l’élève harcelé, mais une copine de classe. L’idée est de faire comprendre aux élèves qu’ils ont un rôle essentiel à jouer dans le refus des situations de harcèlement et d’exclusion.

Alors oui, cette vidéo dérange, mais elle cherche avant tout à susciter le débat. N’est-ce pas justement une chose que nous avons du mal à faire dans nos classes ? N’est-ce pas justement pour cela que cette pratique a été remise à l’ordre du jour en EMC ?

Si cette vidéo peut être utile pour débattre en classe, il est particulièrement malvenu d’en faire l’unique outil de lancement d’une campagne nationale.

Retrouvez la vidéo, ainsi qu’un certain nombre de ressources pédagogiques sur le site ministériel :
https://www.education.gouv.fr/non-au-harcelement/autres-outils-de-sensibilisation-325502