La loi pour une école de la confiance adoptée

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La loi pour une école de la confiance a été adoptée sans surprise par l’Assemblée nationale le 3 juillet et par le Sénat le 4 juillet. Le parcours s’est révélé plus complexe que le ministre ne l’avait sans doute imaginé et a mis en évidence la profondeur de la défiance de la communauté éducative vis-à-vis de sa politique éducative.
 
 
Alors qu’au ministère on présentait en septembre 2018 le projet de loi comme un ensemble de dispositions techniques de « régularisation » à l’occasion de l’inscription dans la loi de l’instruction obligatoire à 3 ans et donc comme une quasi-formalité, l’affaire s’est vite révélée beaucoup plus périlleuse pour le ministre.
 
Car derrière ces mesures techniques qui forment un ensemble disparate, se dissimulent des choix idéologiques que la communauté éducative ne partage pas. C’est le contrôle vertical renforcé sur les personnels à travers l’article 1, sur les Espé avec la nouvelle gouvernance nommée par les ministres, sur le système dans son ensemble avec la création du Conseil d’évaluation de l’école, chargé de construire l’évaluation des établissements en lieu et place du Cnesco, qui fait vivre depuis plusieurs années une évaluation participative et indépendante au service des acteurs de l’éducation.  C’est le renforcement de la segmentation de l’offre de formation au profit des plus aisés avec la création des EPLE internationaux et le financement renforcé des écoles privées dans le cadre de l’instruction obligatoire à 3 ans. Le projet de loi est massivement rejeté par le Conseil supérieur de l’Éducation en octobre 2018 car il ne répond pas aux défis auxquels sont confrontés notre école, à savoir la réduction des inégalités de réussite scolaire et la mise en place d’une école réellement inclusive.
 
Le projet de loi entre en discussion à l’Assemblée nationale en décembre 2018 et sera adopté en première lecture à la mi-février. Ensemble hétéroclite, le projet de loi donne lieu à une avalanche d’amendements accompagnés pour certains de débats surréalistes. La droite parlementaire introduit ses marqueurs idéologiques, autorité, drapeau, hymne,… avec la bienveillance du ministre. La gauche parvient à introduire quelques articles sur l’école inclusive. Quant à LREM, elle tient à faire entrer dans la loi les « établissements publics des savoirs fondamentaux », un projet qui intéresse le ministre mais qu’il avait renoncé à introduire dans le projet de loi sous la pression des organisations syndicales. Et c’est là que tout dérape. Les EPLESF cristallisent toutes les craintes et toutes les oppositions, celles des personnels, celles des familles et celles des collectivités territoriales relayées par la majorité sénatoriale.  Les mobilisations s’enclenchent, conduisant le ministre à reculer (une première !) et à demander aux sénateurs de retirer les EPLESF du projet de loi.
 
Lors de la première lecture au Sénat, le projet évolue et la majorité sénatoriale de droite introduit de nombreuses dispositions concernant les règles d’exercice du métier (recrutement, affectation, service) et mettant à mal le statut des enseignants. La mobilisation, les multiples rencontres avec les parlementaires permettront qu’au final, les dispositions les plus dangereuses soient supprimées en Commission mixte paritaire.

Les premiers décrets d’application sont déjà à l’ordre du jour du Conseil supérieur de l’Éducation de juillet pour une mise en œuvre à cette rentrée. C’est le cas des conséquences de l’instruction obligatoire à 3 ans (souplesse de l’obligation d’assiduité, jardins d’enfants), du contrôle renforcé de l’instruction dans la famille et des EPLE internationaux.
 
 
 
Même si le ministre présente sa loi comme la loi « la plus sociale sur l’École », pour le SE-Unsa, elle est une occasion manquée de faire progresser l’École dans la direction souhaitée. Elle a contribué à creuser un peu plus le fossé entre le ministre et les personnels et laissera des traces durables.