Classes de niveau : vecteur d’inégalité en voie de disparition ?

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Au SE-Unsa, on sait que le système scolaire français est encore tourné vers la sélection des meilleurs (i.e. ceux qui iront au lycée général). Il organise ainsi une compétition scolaire qui contribue, d’une part à développer l’individualisme des « vainqueurs » et d’autre part à détruire l’estime de soi des « vaincus ». Il ne permet pas, de fait, de développer un sentiment d’appartenance collective, pourtant essentiel à la cohésion sociale.

Le système éducatif doit donc évoluer vers plus de justice. Pour ce faire, il doit rompre avec « l’élitisme scolaire » (dont les classes de niveau au sein même d’un même collège sont un marqueur bien connu) et passer d’une égalité affichée à la recherche d’une véritable équité. 

Le Cnesco(1) a démontré en 2014, dans son État des lieux de la mixité sociale en France que la constitution des classes renforce la ségrégation scolaire. On observe une ségrégation sociale allant au-delà du hasard dans 25 % des collèges, et une ségrégation scolaire plus élevée que le hasard dans 45 % des collèges. Ceci met en évidence l’existence de classes de niveau dans au moins 45 % des collèges français, constituant souvent de ce fait des classes socialement homogènes, puisque la corrélation entre origine sociale et réussite scolaire est très élevée dans notre pays.

Pour approfondir le sujet, le Cnesco a réalisé, à la rentrée 2015, une enquête auprès des chefs d’établissement pour mieux connaitre la façon dont sont constituées les classes en collège et en lycée.

Évidemment, la constitution des classes ne s’effectue pas au hasard et les chefs d’établissement déclarent tenir compte classiquement de la mixité filles/garçons, des options et de la diversité des profils scolaires. Cette étude montre que les chefs d’établissement, sont conscients que la constitution des classes à des effets importants sur les résultats des élèves et le fonctionnement des établissements. Ils adhèrent très largement aux principes généraux de diversités sociale et scolaire au sein des classes. Par contre, ils sont souvent dubitatifs sur le fait que le travail des enseignants est plus efficace dans des classes socialement ou culturellement hétérogènes (d’où sans doute les nombreuses classes de niveaux repérées !). Ils tâchent aussi de ne pas regrouper les élèves qui ont des problèmes comportementaux (c’est heureux !) et essaient parfois, en collège, de conserver les groupes d’amis constitués.

L’étude a révélé des différences notables de stratégies en fonction des profils des chefs d’établissement. Notamment, leur ancienneté et leur genre influent sensiblement sur le mode de constitution des classes : les jeunes sont, par exemple, plus sensibles à la diversité culturelle. De même, les demandes des parents, fréquentes en collège, sont plus souvent prises en compte par les cheffes femmes débutantes ou les plus anciens chefs hommes.

L’étude montre que les chefs d’établissement ne travaillent pas seuls sur ce sujet (c’est rassurant !). Ils consultent très majoritairement leurs équipes (CPE, enseignants, infirmier-e…). Par contre, les modalités de constitution des classes ne sont que très rarement présentées dans les conseils d’administration alors que le code de l’Éducation le prévoit explicitement (seulement 5 % des chefs déclarent saisir le CA sur ce sujet). On peut le regretter puisque la réussite des élèves et l’ambiance de travail dans l’établissement dépendent des priorités retenues.

La Loi de Refondation de l’École de la République de 2013 affichait pour objectifs de réduire les inégalités et favoriser la réussite de tous. La réforme du collège qui entrera en vigueur à la rentrée 2016, est dans la suite logique de cette loi. En redonnant le même nombre d’heures à tous, en diminuant le nombre de classes bilangues, en supprimant les classes « euros », elle va réduire les possibilités que donnait l’institution de construire des classes de niveaux. Néanmoins, la constitution de classes hétérogènes n’ira pas de soi et il sera important de ne pas laisser EPI et enseignements de compléments être utilisés pour construire des classes de niveau. Le conseil pédagogique et le conseil d’administration devront jouer leur rôle en ce sens.

(1) Conseil national d’évaluation du système scolaire

Site du CNESCO  : https://www.cnesco.fr/